32 ans des Itinéraires des photographes voyageurs

Pour ses 32 ans le festival Itinéraires des photographes voyageurs oganisé par Vincent Bengold et Nathalie Lamire-Fabre présente 17 artistes dans 9 lieux de l’agglomération bordelaise. La diversité des pratiques comme la qualité des accrochages y compris en plein air constituent un parcours de qualité qui témoigne de toutes sortes de réalités actuelles et historiques.

En 2021 les éditions Loco publient une somme photographique simplement titrée Itinéraires …et qui réunit dans un montage libre , sans thématique, 270 pages de photos de 54 auteurs de différentes générations ayant exposé dans le festival. Cet imposant pavé publié dans un format à l’italienne joue d’une logique de récit visuel, les photos sont légendées en fin d’ouvrage par ordre de pagination et par auteur. En 4 ème page de couverture ce parti pris qui a servi de protocole à l’ensemble affirme « Pour qui sait voir le poème du monde, tout est évènement. »
Créé grâce à la collaboration de Vincent Bengold, avec le photographe Philipe Dollo et l’éditeur belge Joël an Audenhaege pendant la pandémie il constitue un voyage éditorial exceptionnel. Dans sa préface En état de vision Fabien Ribéry écrit « A chaque seconde (face) à la disparition du monde,Il nous faut pour reprendre vie la géographie, la présence, le corps engagé, la rencontre d’’un oeil, d’un souffle et d’un paysage ». C’est ce parcours artistique d’une grande exigence que nous permet ce livre qu’on n’a pas envie d’’arrêter de feuilleter. Il répond à la diversité et à l’exigence es choix artistiques de ces itinéraires comme le prouve cette édition 2023.

Deux série explorent les possibilités plastiques du noir et blanc mises au service d’une approche sensible du paysage. Jean Pierre Angeï accueilli à la galerie Arrêt sur l’image se consacre à une archéologie des traces relevées sur la montagne dans des vues aériennes. Le bruxellois Alexandre Chrstiaens exposé à la salle Mably possède à de subtiles superpositions dont témoigne déjà son titre Déserts de mers, montagnes d’eaux. Travaillant ses nuances de gris il approche comparativement deux types essentiels de paysages, l’océan et et le désert, dans des tirages hypersoignés.

Clémence Elman après des études en sciences politique a été diplômée de l’ENSP d’Arles. Elle interroge la construction de l’identité à travers le filtre de l’exotisme , elle installe par des mises en scène des docus-fictions à partir de ses archives familiales. Dans sa série La fin des voyages elle utilise une gamme colorée pour faire poser ses proches.

Louise Narbo développe dans Voyage vers une terre oubliée une toute autre esthétique à partir de son album de famille qui suscite son retour en Algérie à la recherche de ses racines. Elle utilise pour ce faire des collages d’une grande force visuelle qui scénarisent certains de ses autoportraits à différents âges. Cet ambitieux projet mémoriel croise l’intime et les conséquences individuelles de l’Histoire dans une approche d’une haute sensibilité féminine vis à vis de cette guerre trop mal gérée dans l’imaginaire français.

Ce sont aussi des diptyques que Tiphaine Populu de La Forge diplômée d’arts visuels de l’Université de Tours après un double cursus en Lettres Modernes et Histoire de l’art met en place dans sa série Solastalgia pour avertit sur les dangers écologiques qui menacent notre planète. Elle met en relation de continuum visuel le microcosme d’appartements en ruines avec le macrocosme d’images satellites alimentant Copernicus, programme de l’UE pour l’observation et la surveillance de la Terre. La puissance plastique de cette série en couleurs par delà la séduction première de ces fictions documentaires nous questionne sur notre destin partagé.

Valérie Gondran après un diplôme d’architecte se forme à la photographie lors de workshops. Sa série One lonely night assemble en constellation de petits tirages d’objets photographiés aux Etats Unis et sensés raconter les histoires des humains.

Beaucoup plus convaincante la série couleurs de Maxime Riché développe les conséquences sur les paysages et les habitants de l’incendie de Camp Fire dans la ville de Paradise en Californie. Une double exposition lui est consacrée à la Bibliothèque Meriadek et su les grilles d’un parc en vente vIlle. La richesse de son approche correspond bien à la diversité de sa formation Il est en effet diplômé en ingénierie de l’École Centrale, de la Columbia University et de Cambridge. Formé en photographie à Gobelins il a suivi aussi un cursus en anthropologie. Il y a trouvé ses protocoles de prises de vues comme l’expérience de sa distance à ses sujets.

Julie Bourges établit avec Camille une femme marin pêcheur une distance de respect intime qui témoigne de leurs relation complice et de confiance. Dans cette séries Les eaux fortes la gamme de couleur très chaudes et les grands contrastes contribuent à montrer l’âpreté de ce métier peu exercé par des femmes.

Deux photographes narrent la situation espagnole post-franquiste. La décennie prodigieuse et La constitution vivante de Benito Roman, photojounaliste, regroupent des clichés singuliers en noir et blanc portraiturant personnalités et foules anonymes qui témoignent de la a récupération des libertés et de la légalisation des partis politiques et des syndicats.

Philippe Dollo une des découvertes pour moi dans ce programme s’est fait connaitre en 2021 par son livre Aître Sudète publié par Sometimes , un journal d’artiste d’un séjour à Prague où il a été fasciné par ce qu’il a découvert là-bas des régions des Sudètes, il a photographié, ce qui n’existe plus, en quelque sorte, ses rémanences et ses fantômes. A Bordeaux il présente No Pasa Nada El Silencio, un labyrinthe espagnol qui évoque dans un accrochage dynamique de tirages couleurs la sortie de la période sombre du pays sous la domination fasciste.

J’avais eu le plaisir de découvrir l’imposant portfolio de Mélissa Decaire lors d’une rencontre impromptue en Arles pendant les dernières Rencontres, j’ai eu immédiatement envie de rédiger un texte sur son travail pour le soutenirr. Les Itinéraires viennent de m’offrir la chance d’apprécier pour la première fois son accrochage en constellation avec des tirages de différentes tailles et une intelligente solution de présentation de ses textes dans des enveloppes à des états d’ouvertures différentes qui incitent à la lecture. Consolation l’a mené en Belgique et en France dans l’actualisation d’un souvenir d’une chapelle de son enfance, son périple en quête du patrimoine religieux et des croyances populaires s’accompagne de nombreuses rencontres humaines qu’elle met en perspective dans différentes approches textuelles. L’ensemble constitue un projet d’une grande singularité visuelle et spirituelle.