47e Rencontres d’Arles , ou un été pour se réconcilier avec toute la photographie

Pour leur 47eme édition Sam Stourdzé nous invite tout l’été avec ces Rencontres à une véritable fête de la photographie, abordée non pas de façon thématique mais avec des temps forts et des liens subtils d’une exposition à l’autre. Ce sont l’ensemble des pratiques récentes et actuelles qui sont scénarisées avec une grande exigence muséale, des publics très différents sont ainsi concernés pour aborder des pratiques plus exigeantes.

Un grand public sera attiré par le Western camarguais pour retrouver Crin Blanc ou D’où viens tu Johnny ou préférera l’exposition des provoquants clichés d’Hara Kiri. Les spécialistes apprécieront de découvrir derrière le photographe de guerre Don McCullin une partie moins connue de son œuvre, concernant la misère sociale en Angleterre ou son travail sur les paysages, notamment ceux du Somerset où il vit.

Pour la photographie de rue l’irlandais Eamonn Doyle se fait surtout remarquer par le gigantisme de ses tirages. Dans le même champ retrouver Garry Winogrand se fait dans sa comparaison (dont il ne sort pas toujours vainqueur) avec Ethan Levitas qui rappelle les tracas policiers encourus par le reporter ou qui superpose la vision de sa chambre avec celle des caméras de surveillance. Pour tous la rétrospective Sid Grossman, victime du maccarthysme, accompagné de ses élèves montre un aspect très professionnel où l’image de danse en studio joue avec les scénarii urbains en noir et blanc.

Dans les pratiques documentaires nous avions l’an dernier honoré avec le prix Voies Off –lacritique.org la série de Danila Tkachenko Restricted areas, en quête de vestiges, de monuments de l’ex-empire soviétique au temps de la Guerre froide, il est important de la retrouver exposée à la Chapelle du Méjean. De nombreuses propositions de fiction documentaire restent fort intéressantes. Sur l’évocation du 11 septembre alors que de nombreux plasticiens s’attachent à montrer les mêmes images la pièce la plus convaincante, simple et poétique et celle de Waalid Raad qui donne son titre à l’ensemble Nothing but blue sky , où les attentats avaient fait perdre l’idée même du bleu du ciel.

Plusieurs propositions questionnent les études de genre. Sébastien Lifshitz montre de façon très systématique sa collection de cartes de visite, photo anciennes et affiches dans Mauvais genre où sont transgressées toutes les limites identitaires et sexuelles. Un double hommage est rendu au danseur de buto Kazuo Ōno qui s’était fait connaître pour son interprétation de la danseuse La Argentina, rôle qu’il interpréta jusqu’à un âge très avancé. William Klein a assisté à une performance urbaine du danseur dont il reprend quelques images dans Tokyo, son approche ne peut concurrencer celle de Eikoh Hosoe qui a suivi l’artiste pendant de très longues années.
La complicité des deux hommes se lit dans les tirages où le danseur se laisse aller à la force de son art si subtile.

Les femmes sont bien représentées dans cette sélection. On ne peut qu’être bouleversé par la recherche historique et malheureusement contemporaine de l’espagnole Laia Abril sur les violences de l’avortement. Le prix découverte pas toujours représentatif a justement récompensé l’Ougandaise Sarah Waiswa pour sa série Étrangère en terre familière, dont les diptyques rendent grâce aux albinos dans leur vie quotidienne exacerbée par la couleur.

La photographe sud-africaine Zanele Muholi est au cœur de l’exposition Systematically open ? accueillie dans le nouvel atelier de Mécanique générale rénové par la Fondation Luma. Ses autoportraits évoquent les diverses de la représentation de la femme noire issue d’un township. Ses images dialoguent avec celles de l’américaine Collier Schorr et avec les installations d’images publicitaires de Kelley Walker vues récemment dans La boîte de Pandore de Dibbets.

Une autre exposition de haute tenue en lien à l’art contemporain revendique Il y a de l’autre. La question de l’altérité se donne à voir autant dans les identités que dans les relations aux autres arts. Eric Fievet joue avec le cinéma en dialogue avec Pelechian, les collages de Barbara Breitenfellner, une découverte , résonnent avec les séries d’Eric Baudelaire ou Broomberg et Chanarin.

Pour la semaine d’ouverture s’est tenu le premier festival consacré à la réalité virtuelle présentant au Couvent Saint Césaire 15 films restituant grâce à des casques une vision à 360° . Les créateurs ne reculent devant aucun sujet y compris d’actualité comme le prouvent Fukushima ou A devasted Syrian City. D’autres créations comme Ashes de Jessica Kantor sont plus proches de la meilleure actualité chrorégraphique. Le public a plébiscité I, Philipp de Pierre Zandrowicz imagine une histoire d’amour vécue par l’écrivain de science fiction Philip K. Dick. Le jury professionnel lui a préféré LoVR d’Aaron Bradbury qui scénarise les réactions chimiques du cerveau en proie au coup de foudre. (www.vrarlesfestival.com)

L’installation du sud africain William Kentridge More sweetly play the dance (2015) constitue une forme d’opéra visuel mêlant sur huit grands écrans dessins, photographie, musique et cinéma . Cette sorte de danse macabre filmée en ombre chinoise organise en procession orchestre et porteur d’effigies qui évoquent le destin humain tandis que de vrais danseurs doublent le cortège, aussi joyeux que funèbre. Une merveille d’intelligence performée.