Un nouveau cycle de projections de vidéos d’artistes vient d’être mis en place à La Courneuve : une initiative dont on a décidé de rendre compte et que l’on a décidé de promouvoir. Elles ne sont pas si nombreuses dans la banlieue parisienne, surtout lorsqu’elles se font comme ici sans le support d’un centre d’art. « Infinies résistances » est une proposition de François Taillade, chargé de mission arts visuels, qui nous l’a présentée.
Vous débutez cette programmation de projections de vidéos d’artistes avec un cycle autour de la résistance, avec la volonté de construire à partir de ces films une réflexion sur le sens de l’acte de résistance aujourd’hui. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix, de cet engagement ?
F. T. : Quand j’ai commencé à travailler aux arts visuels à La Courneuve, je me suis vite aperçu que la collection, développée après la Deuxième Guerre mondiale, était particulièrement centrée sur des artistes qui étaient entrés en résistance, qui étaient allés dans des camps, qu’ils soient juifs ou communistes. L’histoire politique de La Courneuve, ville communiste, y est bien sûr pour beaucoup, ainsi que la personnalité du conseiller de l’art contemporain de l’époque, Jean Rollin, qui était aussi le conservateur du musée d’art et d’histoire de Saint-Denis. Il m’a ainsi semblé important de mettre en place un regard sur l’art contemporain qui fasse le lien avec ce fonds, et qui permette de s’interroger sur ce que signifie faire acte de résistance aujourd’hui.
Le cycle est constitué de six programmes, chacun centré sur le travail d’un artiste, et il se trouve que ces six artistes sont toutes des femmes. Cela veut-il dire que la résistance est aujourd’hui particulièrement prise en charge par les femmes ?
F. T. : C’est effectivement ce que je me suis demandé une fois ma programmation terminée ! Mais il n’y avait aucun positionnement initial : j’ai choisi ces artistes pour leurs œuvres, pour ce qu’elles proposent comme réflexion et pour leur qualité artistique, et il m’est apparu ensuite que toutes étaient des femmes. J’ai alors choisi d’assumer cette orientation « féministe ».
Vous avez fait le choix de mettre l’accent sur la création vidéo qui est considérée comme plutôt difficile à montrer. Relancer une politique d’arts visuels en privilégiant ce médium est courageux et complexe en terme de public, pouvez-vous nous en parler ?
F. T. : Je ne crois pas que ce soit « courageux ». En fait je pense que la vidéo est plus facile d’accès que d’autres formes d’art contemporain car elle bénéficie de sa proximité avec l’image télévisuelle. Mais je suis très soucieux d’accompagner cette programmation d’une volonté pédagogique. Je suis en contact avec des associations locales, avec des établissements scolaires, un enseignant va ainsi amener sa classe de lycéens pour la prochaine projection consacrée à Zineb Sedira. Et c’est pour cela aussi que j’ai de suite conçu cette programmation avec le projet d’inviter les artistes et de permettre qu’il y ait une discussion autour des films, que ceux-ci soient l’occasion d’un échange, ce qui facilite toujours la compréhension. En outre la ville de La Courneuve n’a pas de lieu d’exposition, je devais donc m’appuyer forcément sur des structures existantes et susceptibles d’accueillir une programmation d’art visuel. Je me suis donc tourné vers le cinéma d’art et d’essai, qui nous offre des qualités de diffusion optimales.
La première projection, consacrée à Lorena Zilleruelo, a eu lieu le 9 avril. Comment s’est passée la rencontre ? Quel était le public présent à ce premier rendez-vous ?
F. T. : La rencontre a été très riche en émotions : le travail de Lorena est lié à l’expérience de la dictature chilienne qu’elle a vécue, et les spectateurs ont pu partager avec elle leur propre ressenti face aux questionnements soulevés par les vidéos. Plusieurs d’entre eux étaient donc venus par intérêt pour la thématique du travail et du cycle, ce qui est intéressant car cela me permet d’espérer qu’ils reviendront et qu’un débat puisse se mettre en place entre les différentes projections.
cf un entretien avec Lorena Zilleruelo à propos de cette projection
Qu’est ce que vous prévoyez comme moyen de garder une trace de ce qu’il se passe pendant ces soirée ? Certaines vidéos entrent-elle dans la collection ? Les séances sont-elles filmées ?
F. T. : Pour l’instant la politique d’acquisition en arts visuels est centrée sur la relance de projets de 1%, et la vidéo n’y trouve donc pas encore sa place. Je réalise par contre des entretiens avec chaque artiste invité, et l’ensemble permettra ainsi de conserver une trace de leur venue et de proposer à un autre public de réfléchir à ces questionnements autour de la résistance contemporaine.
La prochaine séance, le 14 mai prochain, sera consacrée au travail de Zineb Sedira, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
F. T. : Zineb Sedira a grandi à Gennevilliers, puis a terminé ses études en Grande-Bretagne et elle y vit depuis. Ses parents sont algériens. Elle travaille sur les liens et les séparations entre la France et de l’Algérie. Sur les quatre films projetés, on pourra voir les deux premiers volets d’un triptyque qu’elle est en train de réaliser. Saphir a été tourné à Alger, et MiddleSea est un voyage en Méditerranée. Tous deux sont d’une grande poésie notamment par l’attention qu’elle porte à la fois aux larges cadrages de l’horizon, de la mer et aussi aux détails, à la buée d’un café chaud ou aux vibrations de l’eau dans un verre. Tout comme Lorena, Zineb fonctionne beaucoup dans la retranscription d’un univers très intime pour nous parler d’une histoire plus universelle.
Le cycle sera clôt en décembre, quelle en sera la suite ?
F. T. : Je ne le sais pas encore… En tous cas ce ne sera probablement pas sur la résistance, l’idée n’est pas de rester uniquement sur ce terrain, et peut-être que je choisirai cette fois une thématique un peu plus légère !
Entretien réalisé le 7 mai 2009 à Paris
Lire un entretien avec Olga Kisseleva à propos de cette projection