Interroger la Revenance

Dans le cadre de la remise du prix Opline 2016 récompensant Prune Nourry une rencontre théorique a été tenue au CAPC le 5 Novembre 2016.

Bernard Vouilloux s’est d’abord attaché à analyser le travail de la revenance dans l’œuvre littéraire, photographique, cinématographique et plastique d’Alain Fleischer. Il s’est appuyé sur le roman Les Angles morts (2003) pour opposer aux deux directions complémentaires du « passé sans avenir » et de l’« avenir sans passé » le contretemps du « présent indéfini » : c’est celui des anamnèses, des latences, des virtualités, quand ce qui revient ombre nos perceptions, tel un accent (L’accent, une langue fantôme, 2005). L’opérateur majeur en est la projection avec ses deux grands dispositifs, le miroir (Miroirs-tiroirs, Happy Days) et l’écran (Écrans sensibles).

Geneviève Fraisse n’a, quant à elle, placé la revenance ni dans la mémoire ni dans le fantôme, mais plutôt dans l’énergie de la provenance qui dans son dynamisme s’oppose à l’origine. Invoquant la formule de Michel Foucault « le hasard de la lutte », elle l’a relié au hors champ, ce qui peut faire advenir un objet neuf de pensée. Aussi, elle a montré que la revenance était toujours à contre-temps, comme, par exemple, la demande d’égalité des sexes.

Alain Glykos a placé la revenance en regard du temps et de la mort, en l’étudiant aussi à travers un mythe comme celui de Perséphone qui rythme ces mêmes battements temporels et la théorie de la réminiscence de Platon.

ORLAN évoquant son plus récent travail sur ses cellules souches vaginales, intestinales et bucchales dont elle fait un Remix a montré comment elles pouvaient danser au rythme d’un joyeux paso doble. Le mot revenance comportant une part d’irrationnel qu’elle n’apprécie pas, elle a proposé de lui substituer le mot Résurgence. Elle a évoqué sa construction à travers tous les intercesseurs qui sont fossiles en elle et dans son œuvre qui lui font qu’elle ne souhaite plus dire « je suis » mais « je sommes, car toutes ces résurgences sont come ses cellules souches grâce auxquelles elle peut refabriquer de nouveaux organes de création artistique.

Sa conclusion « Hybridons nous » reprend ses fameuses affirmations sur le genre « je suis un femme et une homme ». La revenance peut ainsi se situer aujourd’hui autant dans les multiples influences qui l’ont marquée que dans cette forme d’autoportrait invisible par delà ce que nos yeux nous empêchent de voir.

Bernard Lafargue animateur de la séance a conclu en insistant sur ce champ lexical de l’inactuel, du décalé, du contre-temps pour les relier à l’après coup selon Freud. Il a insisté sur la survivance et la métamorphose qui gardent les phénomènes en suspens malgré le déplacement qui leur est appliqué.