Josef Sudek Des lueurs dans la nuit de l’histoire

Le plus célèbre photographe tchèque Josef Sudek (1896-1976) a longtemps vécu comme à l’écart du monde, s’il a participé aux courants esthétiques de son temps modernisme et pictorialisme notamment il a su trouver son propre champ de recherche à partir de son quotidien dans la ville de Prague, dont il est l’un des chantres. L’exposition «  Le monde à ma fenêtre  » grâce à une sélection de 130 œuvres couvre l’ensemble de la carrière de l’artiste commencée en 1920 et poursuivie jusqu’à sa mort. Elle permet de découvrir dans une approche sérielle des aspects moins connus de cette œuvre sensible.

Vladimir Birgus, Ian Jeffrey, et Ann Thomas organisent l’exposition de façon chronologique ce qui permet de découvrir ses premiers paysages ou les vues des asiles pour les soldats blessés de la première guerre où lui-même a perdu son bras, ce qui le handicapera pour transporter sa lourde chambre de prise de vues et nécessitera l’apport d’assistants.

Dans un second temps le spectateur peut retrouver la série la plus connue qui donne son titre à l’ensemble, les vues prises depuis son atelier en direction de son jardin. Les effets atmosphériques de ces images varient au rythme des saisons et des lumières afférentes.

S’il déclarait « Je ne veux montrer que les reflets exacts de la lumière que la chambre noire a captée » cette captation dans des conditions de lumière souvent difficiles se complétait d’un important travail d’interprétation au tirage, qu’il pousse à fond les possibilités du tirage gélatino-argentique ou qu’il donne une sensualité à la surface du papier grâce à l’interprétation de son négatif sur papier au charbon.L’exposition nous fait même découvrir des collages des années 1950 plus complexes mettant en relation plusieurs épaisseurs dans des transparences de verre et de supports papier.

Pour arpenter les paysages urbains de Prague il utilise des panoramiques qui contrastent par leur espace avec les cadres plutôt serrés de ses images qu’elles concernent des objets, des natures mortes réalisées en intérieur ou les intrications de branches et de ramures des jardins. Il utilise même la notion de labyrinthe pour évoquer les fouillis de sa table de travail.

On peut rapprocher ses plans resserrés notamment lorsqu’elles cernent des objets des vues photographiques de Wols concernant la nourriture qui fait son quotidien. Mais sur l’ensemble de l’œuvre, de même qu’on a pu voir dans Les hommes du XXe siècle d’August Sander s’affirmer la passivité d’une société qui allait se réfugier dans le fascisme, on peut analyser l’ambiance générale de l’univers de Sudek comme significatif de l’enfermement de toute une population. Dans cette nuit de l’histoire qui recouvre l’Europe centrale Sudek poursuit les éclats de lumière comme autant de manifestations d’espoirs au rythme du cycle de la nature comme aux initiatives humaines. A ses lueurs s’attachent les espoirs de vie et de création.