JUIFS DU MAROC au MAHJ –

Les photographies des Juifs du Maroc exposées au MAHJ sont de rares documents ethnographiques qui posent le problème du regard colonial.
Est-il empathique ou intrusif ?

Il est difficile de répondre après coup à cette question. L’amour que portaient les résidents et les voyageurs au Maroc, alors protectorat français, à la diversité de ses paysages, de ses types humains et des cultures berbères est indéniable. Cependant, ces femmes et ces enfants furent livrés à l’objectif photographique de l’artiste au bon gré d’autorités locales plus ou moins hospitalières. La photographie, une invention française, permet désormais de constituer une mémoire pour les descendants de ces indigènes ; mais elle a été longtemps en rivalité avec la peinture et le dessin. Jean Besancenot ne fait pas exception.

Corps et décors

Ce peintre et décorateur, auteur de fresques pour La Mamounia à Marrakech, avait d’abord pris ces photographies pour mémoriser les vêtements de fête et les bijoux dont il appréciait la richesse afin de l’aider à composer d’élégantes aquarelles. Et à sa suite, Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé ont à leur tour collectionné ces imposants bijoux berbères et ces habits finement brodés. Tenues de mariage ou habits de parade sont dans ces photoraphies endossées par des jeunes filles ou des enfants, car les cérémonies réelles étaient interdites de reportage. Ces mannequins de fortune ne furent pas toujours coopératifs, comme ce jeune garcon qui, pieds nus parce qu’il n’a pas eu le temps d’enfiler de chaussures, a l’air bien maussade. Comme l’avait montré l’exposition Le Modèle Noir à Orsay, la période coloniale portraiturait des types humains revêtus de leurs atours folkloriques et non pas des individus pris dans leur singularité.

Immémoriaux

Cette époque disparue à jamais, celle des costumes et coutumes archaïques des Juifs berbères des montagnes enracinés de longue date au Maroc, et dont les descendants se sont dispersés entre Israël, Paris et d’autres lieux d’accueil, nous paraît aujourd’hui bouleversante de poésie dans la beauté de son raffinement. Ces images nous parlent d’un autre temps. Elles peuvent évoquer les notes cinématographiques de Pasolini ( ses Notes pour une Orestie africaine ) dans sa quête des décors, des paysages et des visages pour ses films qui mettaient en scène l’Antiquité grecque. En effet, c’est dans de somptueuses demeures berbères du Maroc qu’il tourna Oedipe, Médée…
Ces photographies de Juifs du Maroc nous parlent de temps immémoriaux. Leurs visages fixés il y a moins d’un siècle sont beaux comme l’Antique.