Kader Attia et les anges de la réparation

Kadder Attia récompensé par le prix Marcel Duchamp en 2016 est invité par Abdelkader Damani directeur du FRAC Centre à Orléans autour de son concept de Réparations. Ensemble ils installent un dialogue fécond avec des œuvres de la collection liée à l’architecture. Passage à l’acte entre esthétique et éthique pour réinvestir le champ de l’émotion.

Né en 1970, à Dugny, près de Paris, de parents algériens, Kader Attia vit et travaille à Berlin. On se souvient d’œuvres fortes comme ses pigeons de Flying Rats en 2007 à la Biennale de Lyon qui déchiquetaient des corps d’enfants faits de graines. Il a ouvert à Paris en octobre 2016 La Colonie, un nouveau bar et lieu de débat et de médiation pour l’art.
A la même époque le Centre Pompidou pour Repair lui permet de développer diverses pièces qui auscultent le phénomène du membre fantôme suite à une amputation. Il le transpose sur les traumatismes des sociétés contemporaines comme l’esclavage, le colonialisme, le communisme, le génocide.

Intéressé par l’anthropologie et l’ethnologie, la psychanalyse, la philosophie et l’architecture il traque les refoulés de l’Histoire qu’il réunit autour du thème de la réparation. Il en appréhende toutes les occurrences avec les « gueules cassées » de la première guerre mondiale puis les sculptures africaines suturées ou agrafées. Il aborde aussi la question du dédommagement, de la résilience pour panser une blessure mémorielle ou physique.

L’exposition s’ouvre sur Ecosystema de Miguel Palma, qui révèle les doutes liés à l’environnement et l’industrie fonctionnant en circuit clos.
Si la présence du projet de commande publique des deux plateaux de la Cour du Palais Royal de Daniel Buren est peu convaincante , les maquettes, dessins et photographies de Tadashi Kawamata illustrent bien le concept, ils répondent à la fragilité des maquettes de constructions de papier de son compatriote Shigeru Ban établies pour répondre aux besoins des victimes du tremblement de terre de Kobé.

La physicalité du concept est illustrée aussi bien par le Vehicle (War Veterans) de Minimaforms et Krzysztof Wodiczko qui dans sa haute maîtrise technologique reprend des formes animales , proches d’une aile, qui permet de prolonger les corps blessés des vétérans de la guerre, que par les animaux empaillés par Kader Attia pour Mimesis as Resistance Measure and Control qui les fait dialoguer avec des masques africains.

Une installation importante créée en 2014 Arab Spring est ici reprise, cet ensemble de vitrines muséales vides, rappel du vandalisme subi par le Musée du Caire lors de la révolution égyptienne de 2011. Pour en rendre la violence l’artiste lors d’une performance publique détruit ces meubles d’exposition à coup de pierre, le bruit du bris résonne dans la salle pour nous sensibiliser à cette destruction iconoclaste.

Daniel Libeskind dans son projet Berlin City Edge qui reprend une Projection Cybernétique de Berlin intègre dans une double maquette positive et négative qui trouve un prolongement dans quatre photomontages qui présentent aussi un ange de l’annonciation peint par Léonard de Vinci. Cette superbe installation répond à The Angel Catcher sculpture prototype de John Hejduk.

La question de la réparation constitue une opportunité d’un art engagé qui tente de faire revenir le fantôme ou l’ange dans un temps autrement partagé. Un débat réunissant le commissaire de l’exposition, l’artiste et Séverine Chavrier, nouvelle responsable de la scène nationale d’Orléans s’est conclu sur l’idée que nous sortons du rêve de la distance pour entrer dans un monde des proximités qui nous enlève de l’espace mais qui offre de nouvelles conditions de désir, de ce fait la tendresse apparaît alors comme une force de subversion.