L’Art Poétique de Vincent Mauger : l’injonction aérienne des corps terrestres

Vincent Mauger expose à la galerie de Bertrand Grimont du 13 octobre au 3 décembre 2016 « Les injonctions paradoxales » titre éponyme de l’œuvre présentée au jardin des Tuileries du 18 octobre au 1er novembre 2016 dans le cadre de la FIAC, Hors les murs.

De la musique avant toute chose,/Et pour cela préfère l’Impair/Plus vague et plus soluble dans l’air/
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose/ (…)
Car nous voulons la Nuance encor,/Pas la Couleur, rien que la nuance !/Oh ! la nuance seule fiance/
Le rêve au rêve et la flûte au cor ! Verlaine, Art Poétique.

La pièce la plus monumentale exposée à la Galerie de Bertrand Grimont est une sculpture en bois de chêne, à dimension variable, sans titre (2016). Elle inaugure à elle seule cette injonction d’espace qui survole la scénographie de l’exposition. Constituée de 3 sphères réalisées en baguette de chêne surplombant le sol à l’aide d’étais de mêmes matériaux, elle pose le projet artistique de l’artiste, cette injonction poétique qui fait qu’il préfère l’Impair. Car il souhaite provoquer le regard, le déstabiliser en rompant l’équilibre de la rondeur normée. La gravité s’apparente à la mort. Le spectateur évolue autour de la pièce confrontée à un mystère de masse, et il module son expérience en fonction d’un autre équilibre qu’il est nécessaire de trouver pour ne pas tomber. De ces modulations naissent la fiction personnelle, Vincent Mauger étant à la recherche de la libre expression instinctive du regardeur.

D’autres expériences similaires attendent le regardeur lorsqu’il pénètre au cœur de la galerie et qu’il découvre posé au sol 11 galets de marbre noir découpés. Nuance de corps terrestres, les galets noirs tranchant sur le chêne de la sculpture première, attirent l’œil vers le sol, quand l’autre l’attirait vers la verticalité d’un ciel suggéré ! Chaque pavé est unique. La composition de l’œuvre est inscrite dans un temps T, dans un espace précis et repose sur le sol de béton gris de la galerie Bertrand Grimont. « configuration requise » suggestion pour cette composition disposée comme de manière aléatoire sans titre à dimensions variables (2016).

Le regard s’aventure alors sur 3 éléments de 80 x 150 x 150 cm environ composés de briques assemblées, découpées et meulées, sans titre (2016). Les alvéoles font jouer la lumière. Le vent comme dans cet orgue minéral. Le spectateur alors provoque en lui une contorsion rapide qui le plonge dans un état organique particulier : il se met à danser s’il ose autour de ces briques rouges alvéolées et meulées. Caresse dans une promesse sensuelle de polissage.

L’équilibre est rompu. Le paysage intérieur prend alors toute son ampleur et les vagues surgissent de la minéralité des galets, des briques échoués sur le sol de la galerie.

Vincent Mauger dans l’Art au fil de Rance confiait : « Je m’intéresse à l’évocation des paysages et d’espaces, incluant cette notion de rêverie ressentie face à un espace qui nous domine. Les espaces créés par mes installations incitent à établir ce rapport avec le paysage. Le public se retrouve en présence de paysages dépouillés, arides et bruts où la présence humaine est reléguée. Il s’agit de donner à voir des paysages construits, fabriqués dans lesquels les notions d’ossature et de structures propre à l’architecture sont convoquées. En les observant, le public peut être dérouté : est-il face à l’agrandissement ou à la réduction d’un élément naturel stylisé ? »