L’expérience des constellations photographiques par Anne Immelé

L’essai d’Anne Immelé Constellations Photographiques fait écho à ses diverses activités de plasticienne, d’enseignante et de commissaire d’exposition. Elle fait le point sur des pratiques récentes où le photographe installe ses images en autant d’îlots visuels qui pointent des fragments de visible qu’il agence en les configurant dans une pensée de la multiplicité et du rapprochement des hétérogènes.

Les éditions Médiapop ont été créées en 2009 par Philippe Schweyer pour prolonger les rencontres avec des artistes, des photographes, des écrivains menées au sein du magazine Novo. Les rapports photo-texte qui caractérisent le projet éditorial sont distribués à travers deux collections de livres au format 12×18, Sublime et Ailleurs.

Constellations Photographiques présenté hors-collection montre l’évolution de la photographie depuis le début des années 2000 où règne à la fois la séquence à caractère fictionnel ou sériel et la forme-tableau défendue par les tenants de l’école de Dusseldorf et théorisée par Jean François Chevrier et James Lingwood.

L’un des premiers à utiliser cette mise en espace sous forme d’organisation de tirages de différentes tailles étagés à différentes hauteurs est l’allemand Wolfgang Tillmans dont elle étudie les subtiles scénographies. Anne Immelé montre que cette tendance est internationale en étudiant aussi bien les œuvres de Christian Milovanoff au Frick Art &Historical Center de Pittsburgh que celles de la canadienne Raymonde April.

En tant que photographe à travers l’édition comme à l’accrochage ses images entrent elles aussi en dialogue en expérimentant des rapprochements, montrant simultanément des portraits et des lieux chargés de nos mémoires individuelles ou collectives. Elle en témoigne grâce à la longue collaboration avec Jean-Luc Nancy qui a donné lieu au texte « L’approche / Die Annäherung » publié en Allemagne puis en France en 2008, ainsi qu’à une conversation filmée WIR+10 en 2013.

Enseignante à la HEAR, Haute école des arts du Rhin et fondatrice avec Jean-Yves Guénier de la Biennale de la photographie de Mulhouse dont elle assure la direction artistique elle propose aussi des œuvres exposées selon ces dispositifs : celle de la suissesse Dorothée Baumann ou du plasticien belge Michel François.

Elle démontre ce que ce genre d’accrochage doit aux Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, évoquant une variante pour les tirages contrecollés ou encadrés en parlant de montage en ponts. Elle en utilise les conditions pour montrer le lien à la mise en valeur des étapes de construction d’un projet personnel.

De ce fait les thématiques abordées restent très ouvertes, il peut s’agir de l’évocation de l’ailleurs dans sa version pratiques pauvres à la Plossu ou dans les rencontres colorées d’un Lin Delpierre. On peut y retrouver des artistes collectionneurs comme Joachim Schmidt ou des repentis du reportage convertis aux fictions documentaires telle Sophie Riestelhueber ou les anglais Adam Broomberg et Olivier Chanarin.

Opposant les formes des lignes-flux à celle des damiers elle en donne des exemples dans la jeune création, dont quelques uns sortis de l’ENSP d’Arles où elle a fait aussi ses études. Cela permet également d’aborder d’autres types de projets, les fictions critiques d’Isabelle Le Minh, les photos de mode sculptées par Grégoire Alexandre ou les installations politiques luminescentes de Sylvain Couzinet-Jacques.

Reprenant en l’actualisant le modèle des wunderkammer (ou chambre des erveilles) d’autres artistes comme Vera Schöpe ou Antoine d’Agata s’approprient ces constellations pour des formes intimes mémorielles ou provocatoires.

A l’Espace pour l’art d’Arles Anne Immelé, a proposé ce printemps une autre forme de constellation disséminée à l ‘échelle du monde entier. Depuis 2014 elle a fait fabriquer plus de 200 petits drapeaux, sur lesquels sont imprimés des images de nuages. Chaque participant installe le drapeau dans un espace visible et envoie une photographie en échange du drapeau reçu.

Ces drapeaux–nuages fonctionnent comme autant de marque page pour feuilleter cet intéressant essai qui témoigne de la richesse de la création plastique actuelle en photographie.