Laurent Goldring s’est fait connaitre comme vidéaste chorégraphe des corps. Sa nouvelle exposition qui vient de se clore à la galerie Maubert approchait la forme visage avec les mêmes protocoles que ceux mis en oeuvre pour ses modèles issus de la danse.
Chaque image, chaque boucle vidéo se concentre sur un visage approché non pas du point de vue de l’identité mais dans un souci formel qui le place au centre du cadre. L’artiste semble ainsi donner raison à Dominique Baqué lorsqu’elle écrivait, dans son essai Visages, du masque grec à la greffe du visage. Editions du Regard (2007) :
« Ainsi, entre décontraction iconique du visage et difficile reconquête de l’identité et de la visagéité, l’art contemporain ne cesse d’osciller, comme si, à l’énigme du visage il n‘était, en définitive , pas de réponse univoque. »
Laurent Goldring multiplie les dispositifs visuels à l’intersection de la photographie et de la vidéo, ainsi gros plans et plans moyens sont convoqués tandis que la lumière contribue à isoler le sujet. Comme pour les précédentes séries un travail de studio focalise l’attention du regardeur. En choisissant le terme générique de Figure comme titre de l’ensemble il soude le destin de ces visages dans un anonymat partagé.
Quand le visage est centré en médaillon au coeur d’un environnement noir le dispositif issu du studio nous impose en tant que spectateur une distance qui en fait un objet sculptural. Il tente ainsi de contrebalancer ce défaut inhérent à la photographie qu’il dénonçait dans son texte Hypothèse numéro huit : l’auteur de la ressemblance paru dans le dossier La photographie en vecteur de la revue Ligéia en Juin 2004 « La photographie n’a jamais pu se débarrasser totalement de cette fiction de la ressemblance, et les pratiques et les constructions théorique qui s’y raccrochent la maintiennent. »
Laurent Goldring teste la résistance du visage en différents types de all over vidéographiés. Cela peut aboutir à la saturation de l’écran d’une nuque replète qui se distord en suivant les allers retours d’une balle de tennis .Cette proximité au sujet provoque une dématérialisation partielle dont Pascal Quignard dans Les ombres errantes (2002) semble avoir l’intuition « A l’écran une bonne image est un visage qui n’introduit pas d’ombre. »
Dans 24 vérités par seconde, titre hommage à la célèbre formule de Jean Luc Godard, c’est au contraire le stop motion d’une foule compacte qui occupe tout le cadre. Ce rassemblement de visages dans l’empathie du choc historique des attentats de 2015 annule tout espace pour ne conserver que la synergie des corps en présence militante.
Dans les photographies ou plus exactement dans les arrêts sur image cette résistance se confronte aux déformations technologiques d’une pixellisation défectueuse d’une transmission télévisuelle. Goldring travaille la plasticité du visage dans des infra-temps technologiques.
Gilles Deleuze et Félix Guattari définissaient la visagéité dans Mille Plateaux paru aux Editions de Minuit en 1980 : « La tête est comprise dans le corps , mais pas le visage. Le visage est une surface : traits , lignes, rides du visage, visage long, carré, triangulaire, le visage est une carte, même s’il s’applique et s’enroule sur un volume ». Les différents passages et protocoles de techniques imageantes mises en oeuvres par Laurent Goldring contribuent à envisager une nouvelle visagéité aussi plastique que sensible.