Le cyberféminisme en deuil de Nathalie Magnan

Les gender studies en France ont pris un retard considérable par rapport à leur avancée dans les pays anglo-saxons. Aussi quand on a eu le plaisir de la rencontrer après l’avoir lue ou écoutée une pionnière française et une personnalité aussi attachante que Nathalie Magnan reste exceptionnelle. Son récent décès nous affecte profondément. D’autant qu’elle était aussi une très importante analyste des média. Conjuguant ses deux champs de compétence elle a été la défenseure d’un cyberféminisme d’un intérêt et d’une actualité aigus.

Son ouverture, son dynamisme et son engagement elle les a exercés à l’Université, celle de Santa Cruz en Californie (1986-89) puis Paris VIII (1991-1999) et comme chargée de cours à Paris I et Paris III avant d’intervenir dans des écoles d’art nationales comme Dijon ou Bourges.

On lui doit des initiatives aussi importantes que la mise en place avec Philip Brooks du festival des films gays et lesbiens dont elle a été un moment présidente et qui avec l’ajout en sous-titre des qualificatifs trans et queeer est devenu Chéries-chéris.

Consciente de l’intérêt de diffuser ces questionnements identitaires dans un maximum de supports elle animé des sites comme nettime-fr, diffusé sur des chaînes câblées telles Paper Tiger TV et Deep Dish TV et a même réussi à intervenir sur CanalPlus avec Lesborama pour la Nuit Gay en 1995 quand cette chaîne n’était pas le joujou privé de Mr Bolloré.

Dans le domaine de l’édition on lui doit de nombreux ouvrages qui continuent de faire référence comme ceux qu’elle a publié seule La vidéo : entre art et communication, Ensba, 1997, Science-fiction-féminisme, Exils, 2007 ou en collaboration avec Annick Bureaud, Connexion, art, réseaux, médias, Ensba, 2002. Elle a rendu aux francophones l’accès immédiat à un ouvrage aussi essentiel que l’anthologie de Donna Jeanne Haraway, Manifeste cyborg et autres essais Exils, 2007.

Dans son incessante lutte pour la défense de ses recherches elle est intervenue dans différents colloques dont celui resté fameux de 2009 au MACBA de Barcelone : VISIBLE SUBJECTS/VISUAL HISTORIES. FEMINIST, QUEER AND TRANS NARRATIVES VERSUS THE HISTORIOGRAPHY OF ART présenté par Beatriz Preciado où l’on a pu assister à réhabilitation critique de personnalités telles qu’ Adrian Piper, Judy Chicago, Nicole Eisenman, Katharina Sieverding ou Esther Ferrer.

Nathalie Magnan reste une figure inoubliable d’un engagement tous terrains dans une lutte joyeuse pour des œuvres qui nous interpellent, une auteure qu’il faut lire et relire, en ces périodes où les menaces liberticides surgissent de tous horizons.