Le maniérisme de Glenn Brown

La fondation Van Gogh d’Arles expose tout l’été une trentaine d’œuvres de peinture, sculpture et dessin de Glenn Brown artiste britannique des plus singuliers né en 1966 dans le nord-est de l’Angleterre, qui réside et travaille à Londres. Diplômé du Goldsmiths College en 1992 il continue de se confronter à la peinture avec une diversité de création et une énergie semblable à celle de Gérard Gasiorowski à son époque. Cette manifestation conjointe à la présentation d’une vingtaine de toiles de Van Gogh constitue un événement puisque l’œuvre du peintre anglais n’avait été exposée de façon aussi complète qu’en 2000, au Centre d’art contemporain du domaine de Kerguéhennec.

Directrice de la fondation depuis 2013 Bice Curiger a co-fondé la revue internationale d’art contemporain Parkett. En 1993, elle devient commissaire indépendante auprès de la Kunsthaus de Zurich. Troisième femme à avoir dirigé la biennale de Venise, pour la 54eme édition en 2011elle prend le commissariat de la programmation internationale qu’elle baptise « ILLUMInazioni / ILLUMInations ». Sa programmation arlésienne fait dialoguer avec une vraie réussite les œuvres historiques et les découvertes d’artistes contemporains de renommée internationale.

Admirateur de Sigmar Polke et de Gerhard Richter pour leur utilisation de la photographie et de l’image imprimée Glenn Brown souhaite se consacrer à l’histoire jamais close de la peinture, pour ce faire il n’hésite pas à utiliser lui aussi la photographie et les images produites par ordinateur mais sa production est avant tout peinte car il reste attaché à l’immédiateté de l’impact de la surface picturale.

Il se situe dans une tradition ouverte par Francis Bacon, quand il réinterprète Velázquez mais il a tendance à utiliser un très large éventail d’artistes. Pour ses relectures critiques il peut s’inspirer d’un nu de Delacroix ou d’un « Burlesques » de Courbet mais il peut remonter plus loin dans l’histoire picturale en se réappropriant Guido Reni pour sa description de la condition humaine. Cette riche matière picturale qui peut aller d’Auerbach, à Baselitz jusqu’à Fragonard il s’y réfère comme à ses « peintures abstraites ». Contemporain des Young British Artists qu’il considère plus comme un regroupement médiatique que comme une école il se situe par son attitude post-moderne dans une forme figurative. Avec humour une peinture qui représente un vase de fleurs. basée sur un van Gogh est intitulée Je ne me sens pas gêné de tenter d’exprimer la tristesse et la solitude.

Sa technique graphique n’est pas si différente de la photosynthèse mise au point au XIXe siècle et développée dans les années 1980 par le plasticien polonais Krystof Pruskowski. Mais au lieu de chercher une forme générique l’artiste anglais créée des composites qui marquent l’esprit d’une époque ou d’un style, des figures inscrites dans l’histoire de la peinture dont il révèle une sorte d’inconscient corporel. C’est particulièrement sensible lorsqu’il fait fusionner les dessins d’un portrait et celui d’une stature physique.

Sa pratique se révèle plus audacieuse quand les couleurs d’une palette héritée d’une toile inscrite dans l’histoire des formes passe à la troisième dimension d’une sculpture que l’on peut dire baroque au sens étymologique du mot d’origine portugaise désigannt une perle imparfaite.

Entre les dessins noir et blanc ou monochromes et les exubérantes sculptures bariolées se situe sa peinture, qui prend elle aussi les couleurs de l’hommage ou de la citation.

En jouant des références si bien incarnées et de leur subtile transformation par différentes techniques icôniques, Glenn Brown met en place un maniérisme contemporain d’une grande sensibilité qui dépasse la sophistication d’un art de la citation.