Dans le cadre de Choices Paris, Collectors Weekend 29-31 mai 2015, Bertrand Grimont a choisi de présenter une sélection d ’ œuvres d’artistes de sa galerie hors les murs au premier étage du 15 rue du pré aux Clercs 75007 Paris : celles de Geneviève Claisse, née en 1935, peintre emblématique du courant géométrique abstrait , celles de Grégory Derenne, peintre de la vie postmoderne et qui semble figer comme dans une chambre noire, des scènes à la beauté presque « baroque », une peinture à laquelle on aurait fait subir une exposition courte comme « violente », celles de Simon Collet, né en 1989 dont l’approche conceptuelle de la peinture entretient un rapport étroit avec la sphère digitale, et celle de Guillaume Constantin dont la pièce oscille entre sculpture et protocole d’accrochage. Quatre artistes unis dans leur travail, duquel surgit une certaine vision du réel, éloignée de toute
« Elle m’apportait un vrai bonheur. Je me suis sentie naître une seconde fois le jour où j’ai réalisé ma première œuvre » Geneviève Claisse in entretien de Geneviève Claisse, octobre 1989 avec Françoise Magny.
Soleil bleuté. Aurore boréale verte. Oxymore ou métaphore ne peuvent rendre compte que de la profondeur des huiles sur toile de Geneviève Claisse. Une rigueur de forme géométrique vibrant au rythme de la couleur : « H rouge » (1966), « H vert (1970) », « Brusc 65 » (1965). Geneviève Claisse refuse la figuration, l’imitation. Quelle représentation donner à l’abstraction ? Cette question anime l’artiste depuis qu’elle découvrit à l’âge de 15 ans l’abstraction géométrique en lisant la revue « Art d’aujourd’hui : « je suis devenue peintre parce que j’avais rencontré l’abstraction », elle « donnait un sens à ma vie ». Miracle d’équilibre tourné vers une recherche de la perfection régie par de complexes combinatoires arithmétiques. Rituel d’exécution pour arriver à une forme ultime.
L’artiste dessine, puis passe à la gouache, puis à l’acrylique, à l’huile et enfin réalise des sérigraphies en 3D : « Mon art est une recherche de perfection, non pas sublimée, mais vécue », où chaque forme appelle une couleur. Equilibre. Geneviève Claisse fait l’objet d’une vaste rétrospective au musée du Cateau-Cambrésis, jusqu’au 29 septembre 2015.
Evanescence lumineuse. De ces zones abstraites naît le clair-obscur. Grégory Derenne choisit ici un autel, celui de l’église Saint Nicolas des champs peint (2014) comme une offrande silencieuse qui inquiète celui qui regarde la toile, le retient face à une scène de crime peut-être, une prière silencieuse certainement, trace d’une présence humaine. Fantasmagorie à la Gustave Moreau, Grégory Derenne nous éblouit de l’ingéniosité d’un geste pictural emprunté à la fixation d’un cliché à la Atget mais baroque. De ces lieux souvent vides, toujours hantés d’une poétique presque abstraite, empreinte de spiritualité, le figuratif de la nature morte recèle une abstraction de lumière figée en un instant T, transcendée. Un soleil noir transfiguré.
Rosée de l’aube argentée. « Undo » (2015), mass colored medium-density fibreboard spray painted then routed out, anti-UV varnish (59,5 x 84 cm) série E #001, « Undo » de Simon Collet est une série de tableaux teintés dans la masse d’un médium MDF. Les préoccupations picturales de Collet portent la marque d’une hybridité fondamentale, caractéristique de l’ère numérique. L’image de synthèse et l’impression digitale, largement présentes dans le travail du jeune peintre, contribuent à bâtir des éléments multicouches où sont mis en résonnance divers matériaux-sources. La forme appelle aussi une couleur presque crépusculaire, rose bleutée d’un lever de jour ensoleillé. Simon Collet interroge aussi, dans une ambiguïté non lancinante l’œuvre d’art en tant que telle. Est-on face à un objet ? Ces médiums « dévorés », comme le velours du même nom exploitent de couleurs osées ; son geste il le fait puis le défait à la fraiseuse : to do Undo, dans un extrême minimalisme.
Aube renaissante dans sa relation avec l’objet : Pattern recognition #9 (get the balance right) 2015 est une sculpture de petite dimension constituée de deux opalines bleu pastel des années 50 collées et suspendues avec un cordon de néoprène à un portemanteau en bois vernis qui était dans l’appartement servant d’écrin à l’exposition de Choices Paris de Bertrand Grimont. Guillaume Constantin interroge cette mise en relation d’éléments décoratifs et techniques d’époques différentes : relation mise en suspens, comme un arrêt dans le temps. L’accrochage à ce socle fut improvisé. Cette suspension est contextualisée puisqu’elle s’adapte à chaque fois à son lieu d’exposition. A la fois sculpture et protocole d’accrochage, l’objet acquiert sa dimension particulière car abstractive.
Crépuscule d’un soleil bleuté, aube renaissante, abstraction mouvante, il y a dans cette exposition une note de suprématisme que Malevitch définissait comme « le vol dans l’infini ».