L’artiste flamande Katrien de Blauwer a profondément renouvelé le collage contemporain. Dans ses deux dernières séries la présence du corps , principalement féminin, a pris une importance première. Si ses intérêts croisent la danse contemporaine et la mode, elle se reconnaît surtout influencée par le cinéma des années 1960. La galerie des Filles du calvaire lui consacre sa troisième exposition personnelle en France « WHY I FEAR RED, LOVE BLUE (AND) HATE YELLOW »
Ses collages , ou comme elle revendique ses photos sans appareil, sont souvent habilement structurés sur peu d’éléments, leur modernité vient de cette économie de moyens. Le fragment anonyme d’un corps de femme, souvent tiré d’une séquence de film, se trouve dynamisé par un élément plus abstrait. Une intervention graphique colorée apporte une autre précision que l’auteure affirme du côté d’un ressenti : « Le rouge c’est la peur, le jaune c’est la haine, le bleu c’est l’amour. »
La structure verticale binaire qu’elle privilégie peut évoquer la dynamique filmique de la pellicule et pour certaines images un équivalent du montage champ/ contrechamp. Les attitudes corporelles soigneusement sélectionnées font plutôt référence à la chorégraphie alors que les matières des supports papiers découpés renvoient à une époque construisant une image idéalisée de la femme. De ce hiatus nait la force de l’oeuvre. Sa sélection sévère autant que la mise en relation par effet de montage à un élément de décor rendent son propos plus critique.
Reconnaissant la trouvaille de son système de coloration à la vision d’un film culte du suédois Vilgot Sjöman I’m curious, Yellow elle en photographie le personnage principal , Léna , de profil et de face . Alors que les visages sont habituellement absents de ses oeuvres elle prend le parti de tirer cette longue séquence de portraits sur fond noir en un grand format figurant une bande de film. Rythmant les accrochages des petits cadre contenant les collages, cette frise détermine aussi le déplacement du visiteur.
Un diaporama constitue une sorte de making of de toute la série, il alterne des arrêts sur image du film initial et des pages du carnet de l’artiste comprenant images et mots. Sa démarche d’une grande exigence y révèle sa méthode et ses protocoles intellectuels et plastiques.