Les érotiques d’Anne-Sophie Tschiegg

Les éditions Chic médias initient une nouvelle série d’ouvrages consacrés à l’érotisme vu au prisme de la création artistique. La Collection desseins dévoile ainsi son premier numéro au titre délicieusement frondeur : Assez flirté, baisser culotte ! Le travail d’Anne-Sophie Tschiegg, peintre et illustratrice strasbourgeoise, y apparaît ponctué de fragments de textes poétiques.

Le rose aux joues, langues goulûment entremêlées dans une ronde sans fin qui conduit la main de l’une à détailler la vulve de l’autre, les femmes s’enlacent, nues, ayant parfois gardé pour seuls vêtements, bas et chaussures pour mieux souligner la rondeur des fesses où la noirceur de la toison. Beaucoup de corps féminins dans ce carnet au format intime : des femmes entre elles qui se palpent, se lèchent, se pénètrent. L’homme souvent y est discret, résumé à son seul membre, toujours rouge et turgescent pour mieux en signaler le danger qu’il dissimule, la perte de soi offerte à celle qui l’accueillera dans son con. Anne-Sophie Tschiegg instigue le mélange de la retenue délicate et de l’expression sans fard d’une sexualité impétueuse. Triolisme lesbien, god ceinture, facesitting, sodomie, se lient alors à des visages à demi masqués par la chevelure ou le genou, parfois les paupières sont closes, laissant les figures relâchées et vulnérables, ouvertes aux sensations. Filles solitaires et alanguies, les pauses les plus retenues rappellent la douceur colorée de certaines odalisques de Matisse.

« Le frottement d’un index sur un Ipad », voici comment l’artiste s’y est prise pour réaliser ces dessins sensuels aux couleurs assourdies et délicates, où souvent le vieux rose répond au vert amande. Comme dans ses peintures, Anne-Sophie Tschiegg, laisse ici la couleur abonder par superpositions. Les couches numériques s’enchevêtrent plus ou moins en transparence. Si ces dessins n’ont rien de réalistes par le choix de la gamme chromatique, on a néanmoins le sentiment de parcourir un journal intime érotique, rappelant peut-être au féminin l’entreprise de Bernard Dufour. Les fragments poétiques, parfois empruntés à d’autres plumes, rythment les tribulations de la chair amoureuse. Peu importe que l’ouvrage relate des expériences réelles ou fantasmatiques, l’imaginaire est aussi une modalité du vécu et non des moindres si ce n’est la seule. On se caresse, on se fait jouir, seul ou à plusieurs, et toujours l’histoire recommence jusqu’à épuisement.