Les étoiles meurent aussi

Alors ça y est, cette année encore, la liste est tombée, celle des célébrités mortes cette année, puisqu’en effet la gloire n’empêche personne de mourir. Gianpaolo Pagni qui travaille souvent à partir de liste, réalise un monument aux morts éditorial. C’est Dead 2017. Le couperet est tombé, et l’on peut découvrir la liste des nominés. On pense bien sûr à une version graphique du passage dédié aux hommages pendant la cérémonie des césars. Cette année, figurent des noms que l’on connaissait bien et que l’on affectionnait, comme Jeanne Moreau ou Serge Doubrovsky, d’autres mêlés à de sales histoires comme Liliane Bettencourt, Patrick Henry mais aussi ceux qui dont les noms ne résonnent avec rien comme Seijun Suzuki ou encore Manuel Noriega.

Il y a toujours des célébrités dont on découvre l’existence et la mort dans le même mouvement. Au-delà de la mondialisation de l’information, un mausolée éditorial est avant tout un autoportrait en creux de son auteur. Quels noms avez-vous retenus parmi tous les disparus renommés des douze derniers mois ? Combien de ces grands hommes vous étaient parfaitement inconnus ? On découvre ainsi dans Dead 2016 et Dead 2017, la culture italienne de Gianpaolo Pagni, avec des grandes figures médiatiques comme Franco Citti, Ettore Scola, Paolo Villaggio ou encore politiques comme le chef mafieux Toto Riina.

La mort, comme la liste, bien qu’elle se constitue ici de figures célèbres, à l’intérêt d’effacer toute hiérarchie entre les individus et suscite des rapprochements incongrus entre des univers hétéroclites. Dans Dead 2016 David Bowie se rapproche de Michel Butor. Gianpaolo Pagni utilise des tampons pour dessiner à l’encre noir un paysage composé de motifs et de lettrages pour chaque célébrité disparue. La rencontre se joue donc selon deux échelles, il y a d’abord le rapprochement entre deux dessins qui se répondent ou s’opposent : des pois pour Bowie, des lettres pour Butor, une typographie singulière pour chacun d’eux, une manière spécifique de poser leur nom dans la page. Il y a ensuite la rencontre fictive, celle de deux existences renvoyant chacune à des univers différents.

Si la sélection des disparus renvoie à Gianpaolo Pagni en tant qu’auteur, la mémoire de ces existences est encore relative au lecteur. A quoi me fait penser Michel Butor ? C’est sans doute sur ce point que les mausolée éditoriaux que son Dead 2016 et Dead 2017, se révèlent particulièrement sensibles et ambiguës. Les célébrités défuntes nous sont proches et lointaines, ce ne sont pas les morts de la guerre et le devoir de mémoire qu’on leur associe, il n’y a pas non plus la douleur de la disparition d’un proche, mais il y a un attachement singulier entre ces figures populaires et nos existences. Il y aura toujours, cette chanson, ce film, cet événement, où la culture globale vient interférer avec la vie privée, anonyme et minuscule. De Charles Manson à Johnny Hallyday, d’Emmanuelle Riva à Helmut Kohl, c’est l’esprit d’une époque qui s’en va.