Benoit Galibert a reçu une double formation littéraire et artistique, il est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. Cherchant toujours à mettre en image des jeux de langage, il a produit une longue série sur « l’Amer » nom générique de la Suze qu’il décline d’Uzès à Zeus , des publicités murales à leurs traces sur les photos de son album de famille. Cet ensemble s’ouvrait sur un « Etat des lieux » c’est à un autre inventaire similaire qu’il se consacre avec « Au lieu d’écrire ».
Il pratique de préférence la chambre grand-format, outil imposant
dont il reconnait l’effet de contrainte qu’il accepte comme « nécessaire à l’émergence d’un regard personnel où se rejoignent préoccupations documentaires et démarche conceptuelle ». Il entame ainsi une série d’éditions/posters qui publie en son centre une vue d’un espace de travail d’un écrivain contemporain. Trois numéros sont déjà mis en diffusion, mais la série complète comporte 34 photographies. Dans une approche frontale il documente la matérialité des lieux de production de cette activité textuelle méconnue ou sublimée. Il s’inspire du modèle pictural du « portrait d’intérieur » qui met en avant le contexte au détriment de la figure, ici l’auteur absent.
Le premier numéro a été consacré à Jean-Philippe Toussaint, dont on sait l’intérêt pour l’image, on se souvient de son roman L’appareil-photo et dont l’essai Mes bureaux. Luoghi dove scrivo paru à Venise, chez Amos, en 2005 peut apparaitre comme une préfiguration du projet du photographe, lui même préfèrerait sans doute évoquer ici un de ces Plagiats par anticipation qu’il a illustré. Les deux éditions suivantes concernent Nathalie Quintane et Valère Novarina. Comme pour compenser l’absence corporelle de l’écrivain l’image reproduite au format poster est complétée au verso par des textes de plus jeunes auteurs . Le premier texte de Natacha Pugnet relève de la critique d’art, celui de Cyrille Martinez se rapproche plus de la nouvelle, et le dernier en date (Antoine Mouton) ressort davantage de la poésie ou de la prose poétique. Ce passage générationnel d’écriture fait de l’ensemble une fiction documentaire, ce qui a permis au projet d’obtenir le soutien à la photographie documentaire contemporaine du CNAP.
Parmi les auteurs contactés et qui ont donné accès à leur laboratoire d’écriture on trouve des essayistes ou philosophes comme Jean-Christophe Bailly, Jean-Marie Gleize, Jean-Luc Nancy et Clément Rosset, des poètes Pierre Alferi, Bernard Noël et Christian Prigent, mais également beaucoup de romanciers, Emmanuel Carrère, Maryline Desbiolles, Jean Echenoz ou
Olivier Rolin. Pour approcher l’ensmble d ce corpus il faut attendre le printemps 2019 une exposition complète de ce travail sera accroché à la Villa Yourcenar, un lieu de résidences d’écrivains près de Bailleul (Nord).
En attendant vous pouvez commencer votre collection des éditions /posters sur le site du photographe.