Les projets des éditions lamaindonne

David Fourré intervient depuis plus de vingt ans dans l’édition et le graphisme il avait notamment travaillé aux éditions du Rouergue comme chef de fabrication. Passionné de photographie, il monte en 2011 les éditions lamaindonne. Elles sont basées à Marcillac-Vallon, en Aveyron c e qui lui permet de recevoir le soutien de l’association Occitanie livre et lecture. Les ouvrages qu’il publie naissent souvent d’une rencontre avec un auteur et son oeuvre suivie d’un long accompagnement. Il se considère comme un passeur qui pousse l’auteur dans ses retranchements pour l’amener à accoucher de son livre. Il se bat pour vendre ses ouvrages à prix abordable.En 2019, il est lauréat du prix HiP dans la catégorie “éditeur de l’année”.

Quelles sont les collections qui marchent le mieux ? 

David Fourré : Il n’y a pas de collection chez lamaindonne. Chaque livre est particulier dans sa mise en forme et dans son contenu pour tenter de répondre au mieux au travail du photographe. Les papiers peuvent varier, tout comme le format, la pagination, la reliure et la mise en page bien sûr… Dans parmi tous ses projets, je pense que lamaindonne est plutôt attendue ceux qui concernent de jeunes photographes. Mais je ne m’interdis surtout pas de travailler avec des photographes plus “reconnus”, ce que j’ai déjà fait avec Denis Roche ou Gilles Mora, ou prochainement avec Yves Trémorin. 
Néanmoins, avec le dernier livre que je viens de publier, “Le Tirage à mains nues” de Guillaume Geneste, un livre d’entretiens et de textes sur le rapport entre le photographe et son tireur, l’idée était d’initier une collection de livres de textes autour des métiers qui accompagnent souvent dans l’ombre celui de photographe (tireur, critique, éditeur, curateur…).

Quels sont vos livres phares ?

David Fourré : Difficile de parler de livre-phare. Certains ont eu un certain succès commercial et ont été réimprimés à plusieurs reprises. C’est le cas de “Tôt un dimanche matin” de Julien Coquentin, qui a beaucoup contribué à rendre visible le travail de lamaindonne. “Saisons noires”, toujours de Julien Coquentin, a beaucoup marqué les esprits également. C’est aussi le cas de “Volta” de Gabrielle Duplantier qui est un ouvrage souvent cité par les amateurs de livres de photographies. Pas mal de titres du catalogue sont aujourd’hui épuisés. Mais dans mon esprit, le chiffre de vente ne définit en rien la valeur éditoriale d’ou ouvrage.

 Quels sont vos projets dans les 6 prochains mois ? 

David Fourré : Trois ouvrages vont bientôt arriver en librairie. En septembre on pourra donc découvrir “Le Tirage à mains nues” de Guillaume Geneste. C’est une nouvelle aventure pour moi de travailler sur un livre de textes. Il s’agit d’un livre qui évoque les rapports entre le tireur et le photographe, mais pas du tout d’un point de vue technique, seulement sensible. Finalement, c’est un livre qui parle de l’amour et de la passion de la photographie à travers la vision de Guillaume Geneste ou d’autres photographes (Ralph Gibson, Duane Michals, Gabrielle Duplanier, Valérie Belin et bien d’autres), tireurs (Sid Kaplan, longtemps tireur de Robert Frank), collectionneur (Howard Greenberg qu’on ne présente plus)… Un livre très vivant et qui comporte quand même une soixantaine de photographies. Je crois qu’il n’existait rien de comparable sur le sujet.

Au même moment sort également le livre de Julien Coquentin, “Tropiques”, où l’on retrouve l’univers si particluier de ce photographe. Après “Saisons noires”, il a photographié sa famille et les paysages de la Réunion où il a vécu deux ans. Une sorte de robinsonnade, avec 5 textes à la manière de contes et un corpus d’images saisissant.

Enfin, en octobre, je publierai “Monica” d’Yves Trémorin, sur une idée de Caroline Bénichou (Agnce VU’). C’est un livre qui rassemble les photos qu’Yves a prises de sa femme Monique depuis leur rencontre. 4 séries mythiques seront montrées intégralement, dont “Les Amants magnifiques” et seront accompagnées d’autres images de Monique prise lors de séances de travail. C’est un ouvrage qui montre comment une pratique photographique très rigoureuse se met en place et aboutit à des séries. Un travail très poignant et très intime, finalement assez radical derrière une façade tellement plaisante. Un entretien entre Yves Trémorin et Michel Poivert viendra clore ce livre.

Quelles sont vos rapports avec les diffuseurs et distributeurs ? 

David Fourré : La période que l’on traverse trouble ces relations. Les représentants ne peuvent pas toujours faire leur travail de présentation des livres dans de bonnes conditions. Les libraires sont plus timides, ce qui est bien compréhensible. Il va donc falloir défendre d’autant plus chacun des livres et doubler leur travail en appelant un à un les libraires… C’est beaucoup de temps mais pas le choix, il faut suivre nos projets jusqu’au bout.

Attendez vous une réaction et de l’aide du Ministère de la Culture ?

David Fourré : Oui beaucoup ! Sans trop y croire cela étant dit. Que ce sot le ministère de la Culture, le CNL ou le Cnap, les instances en région, le CNL ou le Cnap… Les éditeurs photos font par définition des livres qui ne sont pas rentables. Il faut donc qu’ils soient aidés par des aides publiques… Sinon, on arrive à un système où ce sont les photographes qui font tout. Ils font leur travail de photographes, ils financent souvent les livres (mais attention jamais chez lamaindonne), ils achètent les livres… Sans les photographes, il n’y a plus rien !!! En région Occitanie, nous avons la chance d’être très soutenus et suivis mais ce n’est pas le cas partout en France. Le CNL n’aide pas les livres de photo sous prétexte qu’il faut au moins 50 % de texte dans le livre… Comme si l’écriture photographique n’était pas une écriture en soi. Un bon livre de photo n’est pas un catalogue… C’est un livre qui exprime vraiment quelque chose au même titre qu’un roman, une BD, de la poésie… Le Cnap aide 2 ou 3 livres de photographie par an. Bref il n’y a aucune aide au niveau national et c’est vraiment déplorable. J’espère que ça va bouger.

Qu’attendez vous des critiques d’art ? 

David Fourré : Qu’ils fassent leur travail, c’est-à-dire écrire vraiment sur un travail photographique et sur la façon dont les livres sont conçus. Pas spécialement quelque chose d’analytique, mais quelque chose qui ait du cœur et surtout du sens. C’est très rare. On retrouve souvent notre communiqué de presse ou 3 lignes qui ne disent rien du cœur du travail. On fait si peu de place aux livres photo dans la presse. Ou alors seulement quand il y a une grande exposition. J’aimerai secrètement travailler sur une revue critique autour de la photo. Que de nouvelles voix émergent… Je crois que je suis nostalgie de l’époque des “Cahiers de la photographie” (même si j’étais trop jeune pour les lire à l’époque).

Comment percevez vous vos lecteurs et leur évolution ?

David Fourré : C’est un petit réseau. On finit par connaître pas mal de nos lecteurs qu’on rencontre sur les salons. Certains sont très fidèles. Ce sont souvent de vrais amateurs de livres photo (qui connaissent le sujet bien mieux que moi). Beaucoup de photographes également. Et parfois, sur certains titres, des gens qui n’ont rien à voir avec ce milieu, mais qui vont être touchés par tout autre chose dans le livre. C’est par exemple le cas avec le travail de Julien Coquentin, “Saisons noires” qui marque beaucoup de gens pour des raisons très différentes : travail photographique, souvenirs d’un autre temps, atmosphère…

Comment vivez vous le rapport aux bibliothèques ? 

David Fourré : Là, j’avoue que je ne saurais pas dire grand chose. J’ai très peu de contact avec les bibliothécaires. Il faudrait que je travaille sur ça…

Comment envisagez vous le rapport papier / électronique ? 

David Fourré : Le livre de photographies a vraiment quelque chose de particulier dans sa forme papier. C’est sans doute l’art qui est le mieux adapté au livre papier C’est vrai que la nature du papier, la façon dont l’image se déploie dans un format particulier, comment les images se succèdent, avec quelle taille, tout peut avoir un sens dans un livre photo papier réussi. Si on doit aller sur du numérique, alors, il faudra inventer une forme qui ait du sens avec le format numérique. Ce sera autre chose. Quelque chose qu’on ne peut pas donner avec le papier. Mais pas juste la traduction du livre sur un écran… Je n’ai pas le sentiment d’avoir vu grand chose de tel jusqu’à maintenant. Tout reste à faire.