Rosetta Messori , née à Modène et vivant à Rome exerce ses visions saisies au vif du monde méditerranéen tel qu’elle a pu l’observer lors de ses voyages dans six des principaux pays de cette région. Ce projet mené à long terme se construit au fil des pages de cet ouvrage grand format, proposant au lecteur un voyage initiatique en variantes sépia. Retour sur ces étapes sensibles
Rosetta Messori aime observer le monde dans sa fugacité aussi se revendique-t-elle à juste titre héritière du photodynamisme de son compatriote Anton Giulio Bragagglia (1890-1960). En introduction Maria Francesca Bonetti montre les attendus de cette filiation qu’elle décrit comme un hommage. Si les temps de pose longs d’une seconde rendent les présences humaines et architecturales évanescentes on ressent devant ces images une impression charnelle d’une grande vivacité. Comme l’écrit l’autre préfacier Florida Podesta nous assistons à « la poésie de la dissolution de la matière dans l’oeuvre. »
L’effet de suspension se manifeste dès le premier ensemble de trois portraits, celui d’un homme sortant de l’eau, suivi d’un couple saisi au fil de leur disparition dans le couchant. Chaque photo est accompagnée d’une légende qui peut être descriptive ou prendre une dimension plus philosophique : une femme voilée titre « l’arrivée de la raison », une vue paysagère : « l’embrassement de la pensée » ou une architecture « l’ombre et la lumière au tournant du vent ».
Sans manifester jamais de volonté documentaire l’auteure aborde des moments significatifs de la civilisation : un ballot porté sur la tête allonge la silhouette en fusion dans le paysage, les « dômes dorés » résonnent dans le soir, « un marchand de potions médicales » et et son flacon plein de décoction semble dialoguer avec « un narguilé » tandis que s’éloignent « les hommes après la prière ».
La photographe ne manque pas non plus d’ouvrir les perspectives à d’autres liens culturels, ainsi elle qualifie une vue d’une momie égyptienne de « statue du Commandeur », tandis qu’un ensemble vernaculaire palmier et architecture est intitulé « l’Ange de Bagdad », et que « Babylone assiste à la danse du sable ».
Les présences humaines au quotidien sont nombreuses au coeur du livre. Deux corps semblent négocier l’espace, adulte et enfant se voient mis en confiance par la proximité des colonnades ; deux hommes en gandoura attendent à l’entrée d’une grotte ; un jeune homme s’échappe en courant vers le sommet d’une volée de marches comme posées sur le ciel ; le garçon et la mosquée sont révélés en affinités et en couverture le Cavalier se détache libre et fier sur fond de pyramide.
Pourtant dans une autre perspective les dernières images du livre font place à des figures plus symboliques, sculptures et statues tracent l’évolution spirituelle de cette civilisation. On y croise une Reine, des amants, Palmyre ; des parfums volent dans l’air parmi les Pins de la Fécondité et l’ouvrage se clôt sur une représentation sculpturale de la Maternité.