Limon du temps de Chloé Poizat

Le travail de Chloé Poizat a été présenté par la galerie Modulab lors de la seizième édition du salon du dessin contemporain, Drawing Now, sise au Carreau du Temple, à Paris, du 23 au 26 mars dernier. À cette occasion, l’artiste édite « Limon du temps » offrant une traversée de son œuvre sous le patronage de Clarice Lispector.

« Grotte toujours rêveuse avec ses brumes, souvenir ou nostalgie ? saisissante, saisissante, ésotérique, verdie par le limon du temps ».
Clarice Lispector, Água viva

Les paysages de Chloé Poizat sont ceux d’un monde énigmatique, aux portes de l’invisible, qu’il s’agisse d’intériorité, d’inconscient, de mémoire, d’un espace ésotérique dont l’artiste en médium rapporterait des images à la fois granitiques, ouateuses et ondoyantes, prêtes à sortir de la surface pour devenir volumes. Quelle est la texture de nos songes, de nos pensées et des esprits qui les hantent ?

L’œuvre de Chloé Poizat existe entre dessin et sculpture, abstraction et figuration. Les dessins ont un volume, rappellent parfois certains déserts des peintures surréalistes, celles d’Yves Tanguy ou de Kay Sage. Il y a ce souffle métaphysique, l’œil est au désert, incertain de ce qu’il perçoit, traverse. Il y a aussi une juste mise en abyme de la technique utilisée et de la représentation produite. La puissance de Chloé Poizat, c’est encore cette virtuosité technique à produire des dégradés au pastel et des formes ombrées au fusain qui rappellent encore le psychédélisme, autre mouvement artistique qui fait appel aux états modifiés de conscience.

On se souvient des couleurs de cet étrange mont analogue, composé de pierres arrondies, gravi par de singulières nymphettes blondes, sur la couverture de l’album Houses of the holy de Led Zeppelin. Dans les dessins et sculptures de Chloé Poizat, les fillettes ont disparu, il n’y a plus d’ascension, mais des corps tremblants qui surgissent ça et là, des ossements retrouvés, des yeux échappés en solitaire ou en groupe, des orbites abandonnés. L’épaisseur du mystère de la finitude est là, composé d’une kyrielle de strates attirantes, colorées, inquiétantes et rieuses.