L’exposition actuellement présentée au crédac propose une monographie de Véronique Joumard solarium et autres pièces. L’artiste française travaille sur la sensation du public et la lumière.
Si vous vivez à Paris et que vous n’avez jamais osé aller jusqu’au CREDAC, à Ivry sur Seine, de peur de vous perdre, de peur de passer trop de temps dans les transports ou pour toute autre peur ou réticence irraisonnée de la « banlieue », c’est le moment de prendre votre courage à deux mains. D’autant plus qu’il est très simple de se rendre au centre d’art, à mi-chemin entre le métro mairie d’Ivry et la station de RER Ivry sur Seine.
Une fois entré dans le CREDAC et passé le hall d’accueil pas très accueillant, on descend dans des sous-sol aux murs uniformément blancs ou gris argent. Plusieurs salles, plusieurs escaliers et la sensation qu’on pénètre dans une sorte d’ancienne usine, sans machineries pourtant. La sensation de white cube froid a une très intéressante alternative avec l’espace d’accueil au sein du centre d’art. Il propose une bibliothèque de catalogues en consultation libre insérée dans des cubes « designés » par Matthieu Mercier.
En entrant dans le centre, on passe devant un tableau gris situé sur le palier d’un escalier descendant. Je me demande immanquablement de quoi il est question avec ce monochrome un peu étrange. Puis je me place face à la toile alors qu’apparaît mon ombre portée sur la surface réfléchissante (2003), en fait tissu rétro réfléchissant sur châssis. Ma silhouette est découpée et enveloppée d’un halo lumineux, couleur jaune orangée chaude, fébrile ; elle vibre. Cette lumière provient de l’oeuvre écho (2001), spot halogène à la lumière vibrante, située en vis-à-vis de surface réfléchissante.
Dans l’espace d’accueil et de documentation, sont disposées des lentilles (2006). En employant des lentilles dites de Fresnel du nom d’un scientifique du XIXème siècle, inventeur de ces lentilles utilisées notamment dans les phares maritimes, Véronique Joumard modifie la perception de l’espace. Selon le placement du regardeur et le point de vue qu’il adopte, la lentille crée soit un effet de loupe, soit un effet de miroir, soit elle renverse la vue qu’on a de l’espace.
Quelques marches plus bas, dans une salle rectangulaire, descendent du plafond jusqu’au sol douze gros ressorts auxquels sont attachés des pierres meulières ressorts et pierres (1995). Ces pierres, au dégradé de couleurs du marron beige jusqu’au foncé et au gris, ne toucheront jamais le sol. Elles me font penser à des météorites en suspension dans l’espace. Par rapport au travail de Véronique Joumard et notamment à son actuelle exposition, l’élément naturel pierre possède un côté organique de l’ordre du vivant qui contraste avec les matériaux électriques et la lumière travaillée par l’artiste. Les ressorts en extension, sortes de guirlandes, bougent d’un mouvement juste perceptible, certainement dû au système d’aération de la salle, et créent ainsi une étrange impression.
Dans la pièce attenante, 4 ballons pour une pièce (2006) est une production du crédac. Au milieu de l’espace, une plate-forme rectangulaire en métal gris foncé posée au sol semble en lévitation, élevée par 4 gros ballons blancs éclairants fixés aux 4 angles de la plaque. Entre montgolfière et tapis volant, l’impossible élévation de l’installation n’ampute en rien son évanescence.
Un peu plus loin, en bas d’un escalier, Miroirs (2003) se situe dans un angle. De chaque côté de l’angle du mur, sont disposés deux miroirs de format panoramique. Placé de face à un des deux miroirs, le regardeur se reflète mais sa silhouette se dessine comme vue à travers un épais brouillard. Pour apercevoir un reflet net, il faut regarder dans le reflet du miroir perpendiculaire à soi et il n’est possible d’observer de manière nette que son bras et son épaule. Dans l’angle, quatre miroirs apparaissent alors créant des vues en perspectives mais totalement irréelles d’un espace impossible. Face à ces miroirs, j’ai longuement cherché à voir mon visage de façon nette, notamment dans les angles, mais ça m’a été impossible.
Dans une petite pièce rectangulaire tout à côté, deux poutres métalliques sont positionnées au sol, au milieu de la salle. Une des extrémités de chacune touche le mur tandis que leur autre extrémité repose sur le culot d’une ampoule disposée elle aussi au sol, la tête en bas. A l’extrémité opposée de chaque poutre, une pince croco décharge de l’électricité dans le métal conducteur permettant ainsi l’illumination de l’ampoule. La lumière, au coeur du travail de Véronique Joumard, correspond depuis toujours à la richesse, à l’énergie, à la vie. Le dispositif sans titre (1985) est simple, géométrique et minimal, et pourtant se dégage une grande poésie de l’installation de l’ordre de la fragilité ; l’ampoule qu’on craint de voir écrasée par les poutres et dont la lumière jaillit.
La dernière oeuvre présentée solarium (2006) est une production du crédac, elle donne son nom à l’exposition. Les titres employés par Véronique Joumard sont simples et expriment clairement de quoi est constituée l’oeuvre proposée ou la fonction qui lui est dévolue laissant ainsi totalement libre l’imagination du regardeur. Il est alors déchargé de la recherche de l’effet souhaité ou de la technique de l’oeuvre, recherche qui prend souvent le dessus sur toute autre réflexion et / ou impression. En l’occurrence pour solarium, dans la plus grande salle du centre d’art, une multitude de lampes très sobres suspendues et espacées de manière régulière crée un carré de lumière blanc au sol. Entre peinture et sculpture créée par la lumière, le visiteur entre en interaction avec l’oeuvre, source de chaleur par opposition avec la froideur visuelle des éléments employés à sa conception.
En conclusion, j’ébaucherai juste un lexique succinct de termes ou de références que la découverte de l’exposition solarium et autres pièces a fait émerger dans mon esprit :
Lumière
Sensation
Minimalisme
Lisse
Sobre
Dan Flavin
Dan Graham
Etc…