Morgan Bodart et Julie Ode-Verin Deux artistes en résidence à la Labomedia

Leur sortie de la résidence financée par la région Centre Val de Loire à la Labomédia au 108 à Orléans a fait l’objet d’une rencontre avec le public lors de la 7 eme navette de devenir-art le 5 mars 2023. Elle y ont donné une lecture performance pour évoquer leur recherche commune affirmée dans sa radicalité utopique.

Morgan Bodart s’affirme comme COLLAGISTE, FANZINISTE, et FÉMINISTE. Elle réalise des vidéos et des créations numériques comme celle produite pour Le Carnaval des animaux en péril Une nouvelle histoire d’Orphée – Une fable musicale et écologique avec l’ensemble La Rêveuse. En juin 2022 elle a produit pour la Labomédia au 108, à Orléans l’exposition Court-Circuit. Dans cette proposition utopique elle rend visibles des technologies appropriées à nos contextes et à nos besoins divers.Face à ce qu’elle nomme technologies fast-food (« Google, Amazon, Meta, Apple, Microsoft et consorts ») l’exposition met en avant « une technodiversité produite dans des circuits courts et composée de technologies de pointe, artisanales, ancestrales, lentes, de proximité, régionales, décroissantes, non contaminantes, sophistiquées, de basse intensité. »

Julie Ode-Verin diplômée d’un DNAP Art aux Beaux-arts de Bordeaux puis d’un DNSEP Design visuel à l’ESAD d’Orléans sa pratique artistique évolue entre dessin, écriture, édition, installation, photographie/vidéo et lectures performatives. L’an dernier elle a été partie prenante d’« UrsuLaB » porté par Antre Peaux, à Bourges un projet de laboratoire transdisciplinaire dédié aux biomédias. Il répond à l’urgence, face à la crise écologique, de dépasser les visions anthropocentristes pour imaginer le co-devenir entre les formes de vie humaines et non-humaines. Au plan formel elle revendique un vocabulaire de documents et outils graphiques composé de plans géométraux, partitions, cartographies, planches encyclopédiques, atlas, légendes, symboles logotypes, cariotypes, cartouches descriptifs, photographies anciennes, Depuis 2018 elle cultive des êtres hybrides connus sous le nom de « blob ». ni animal, ni végétal, ni fungi, mais évoluant avec des caractéristiques de ces trois espèces.

La proximité de leurs univers artistiques et de leurs préoccupations idéologiques a poussé les responsables de la Labomédia à leur proposer cette résidence commune. Elles ont d’abord mis ensemble leurs sources théoriques dont l’essai « L’utopie radicale » d’Alice Carabédian, ainsi que les écrits de Vinciane Despret, Lynn Margulis, Donna Haraway et des auteur.ice.s de science-fiction féministes et queers. Cela leur a permis de définir leur programme « explorer des mondes glissants, non genrés, désanthropocentrés, fragmentés afin d’inventer de nouveaux rapports de langage inter-espèces »

Elles ont ensuite croisé et échangé leurs pratiques. Julie Ode-Vérin s’est ainsi consacrée à des collages d’éléments organiques et technologiques pour constituer des formes de cartes. Morgan Bodart a elle aussi à partir de relevés dessinés de cartes géographiques produits des itinéraires cartographiques brodés mécaniquement sur tissus.

Elles ont mené conjointement un travail d’écriture s’appuyant sur différents protocoles de narration. Cette diversité d’écriture a pour but selon elles de « se réapproprier nos imaginaires et de créer de nouveaux récits spéculatifs, volontairement « utopiques », qui nous permettront d’entrevoir des horizons multiples et en mouvement ». Pour leur sortie de résidence elles en ont donné une lecture à deux voix leur corps interférant avec une projection vidéo réalisée pendant ce temps de travail et de recherche. Ces utopies imaginent de nouvelles communautés fondées sur les rapports à tous les règnes vivants dans la complémentarité d’espèces inconnues, dans des mutations entre roches et bactéries, bactéries et animaux, virus et végétaux, humains et minéraux.

Pour les illustrer un dispositif vidéo projeté agrandit une observation filmée au microscope dans une lente évolution formelle et colorée dune grande puissance visuelle. Elles concluent de cette première étape du travail aussi singulière que rénovatrice dans son engagement écolo-féministe :
« L’utopie radicale réalisée devrait continuer à créer des utopies radicales, à raconter des histoires et veiller à ne jamais s’ossifier, à ne jamais se transformer en point final, à ne jamais « être » mais toujours « devenir ».