Niklas GOLDBACH Portraits d’arbres

La galerie BENDANA | PINEL art contemporain, située 4 rue de la Perche 75003 à Paris organise pour la seconde fois une exposition monographique de Niklas GOLDBACH, photographe qui vit et travaille à Berlin.
L’exposition réunit deux séries des plus récents travaux de Niklas GOLDBACH, le cycle d’installation vidéo « The Nature of Things » (2010-2014) et une sélection de photographies en noir et blanc « Everything in its right place » (2013)

« Everything in its right place » regroupe les travaux les plus récents de Niklas GOLBACH. Les 78 photographies qui composent cette série, furent réalisées en 2013 dans une plantation des îles Baléares en Espagne. Vaste projet de photographier une monoculture intensive sans aucun plan d’ensemble. C’est le conflit de l’urbanisme et de l’exploitation de la terre agricole qui se révèle dans ses portraits de caroubiers. L’œil de l’artiste, né en 1973 est celui qu’il porte sur notre époque, affûté par des études de sociologie qui font partie intégrale de sa démarche artistique. Niklas GOLDBACH n’est pas un paysagiste, c’est un portraitiste.

Ces clichés en noir et blanc, tirés sur papier photo-archive révèle au regardeur la singularité de ces caroubiers que l’agriculture intensive relègue à l’état de productivisme. Norme explosée, chaque portrait d’arbre révèle son unicité, sa particularité, son ipséité. Aucune répétition du même. Altérité de troncs tordus, de feuilles vert sombre luisant à la lumière, chargée d’histoires centenaires ; les caroubiers s’étirent vers le ciel avec plus ou moins de gracilité, plus ou moins de fêlures nouées, jamais sans gravité. La rectitude imposée par la main de l’homme cultivateur de l’entreprise agro-alimentaire éclate ; l’artiste en dénonce sa pratique et recrée une Nature sauvage, épicentre de sa réflexion, une Nature non civilisée, loin d’une mondialisation monochrome d’idées, si loin d’une production alimentaire industrialisées.

Le caroubier est un arbre mesurant de quatre à cinq mètres de hauteur, mais il peut atteindre exceptionnellement quinze mètres. Sa longévité peut être de cinq cents ans. Son écorce brune et rugueuse, ses feuilles vert sombre, son tronc gros et tordu n’en font pas un arbre dont la symbolique est connue. Pourtant sa graine, la caroube servait à l’origine à la mesure des pierres précieuses, dont on évaluait le « carat ». Aujourd’hui on sent sert pour nourrir les animaux et les hommes. En Allemagne, les graines de caroube torréfiées sont utilisées en substitution du café. On peut également le sucer en bonbon. Mais c’est surtout l’industrie agro- alimentaire qui en fait le plus grand usage. La farine de caroube est un additif, (E410) que l’on retrouve dans les glaces, les pâtisseries et les aliments diététiques comme succédané du cacao. Ornemental par son feuillage, ses feuilles mesurant de douze à treize centimètres, il apparaît dans l’Evangile selon Luc dans la parabole du fils prodige. Celui-ci ayant dilapidé toute la fortune de son père « aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les porcs ».

Ces portraits d’arbres prennent toute leur amplitude en regard du cycle des deux installations vidéo « The Nature of Things » (2010-2014). Cette interaction entre l’environnement naturel que façonne notre mode de vie contemporain et nos mentalités urbaines sont au centre des réflexions de Niklas GOLDBACH. Filmés en temps réels, des protagonistes sont attachés tels des Saint Sébastien à un arbre, un poteau métallique ou en bois. Sont-ils des représentations de l’artiste ? L’ipséité révélée n’est-elle pas notre condition humaine contemporaine ?

Vêtus de l’uniforme archétypique du secteur tertiaire ou de la City, ils souffrent devant des paysages artificiels : la campagne de Västerbottom, une région rurale du nord de la Suède ou l’ancienne mine à ciel ouvert de Garweiler en Rhénanie du Nord Westphalie. Filmés en temps réel comme un tableau vivant, emprunt de cette iconographie biblique, les jeunes hommes attachés doivent subir leur supplice pendant plusieurs heures. Niklas Goldbach enregistre une palette polychrome d’expressions qui caractérisent les sentiments que tout homme peut éprouver au cours de son existence. Qu’est-il face à cette nature agro-alimentaire si ce n’est un néo Tentale ?

Portraits d’arbres. Suppliciés. Tel nous est révélée dans cette exposition, grâce à une scénographie qui permet cette confrontation entre l’homme et la nature exploitée, un autoportrait mimétique de notre condition humaine contemporaine.