André Mérian depuis son installation dans le Sud Est s’est fait connaitre pour son travail sur le paysage , tout en restant comme il le revendique « très sensible à la question de la place de l’homme dans ces espaces ».Sa plus récente série montrée à Miramas et simplement intitulée « Objets » est l’occasion d’une édition d’artiste publiée par Evelyne Coillot à La fabrique du signe. « Occasions » le titre adopté pour ce livre déplace l’intention de la série du documentaire vers un champ plus proche de l’art contemporain.
Le livre s’organise en deux corpus autour d’un texte rédigé par Brice Matthieusent. Son titre Le vacarme du monde semble nous rappeler que cette série a été anticipée dans l’oeuvre par deux autres ensembles d’images
réalisées non pas en studio mais in situ. Les fugitifs transforme en sculptures paysagères des éléments de contrôle des espaces sociaux : murs, barrières, grillages, clôtures en fil de fer barbelé… Des cadrages serrés cernent des objets dans des sites intérieurs ou extérieurs qui s’approchent ainsi de sculptures involontaires, d’où une possible interprétation du titre de cette autre série Never mind.
Dans son texte critique l’auteur évoque comme source possible Les outils de Walker Evans que le photographe reconnait comme une de ses influences. Il rapproche aussi ce qui est plus attendu mais moins porteur l’ensemble des photos de la pratique architecturale des Becher. Plus cohérente l’évocation d’une série de l’américaine Taryn Simon rappelle les Objets de contrebande qu’elle a photographiés à la douane suite à leur saisie. Cette citation m‘incite à rappeler les pertinents Objets de grève de Jean Luc Moulène.
Une grande différence réside cependant entre les oeuvres de ces deux auteurs qui ont une vocation de fiction documentaire et celle de Mérian.
La référence à l’art conceptuel apparait plus efficace dans la mesure où le lien entre tous ces objets photographiés en studio n’est pas évident. D’autant que certains du fait du cadrage serré et de l’absence d’échelle sont difficilement identifiables, ni assimilables à une fonction claire. Quand Mattthieusent oriente cette pratique du côté de la trouvaille on en comprend mieux le fonctionnement.
Pour ce faire il nous faut d’abord relire Baudelaire dans son texte de 1851 Du vin et du hachisch .
« Descendons un peu plus bas. Contemplons un de ces êtres mystérieux, vivants pour ainsi dire des déjections des grandes villes […]. Voici un homme chargé de ramasser les débris d’une journée de la capitale.Tout ce que la grande cité a rejeté, tout ce qu’elle a perdu, tout ce qu’elle a dédaigné, tout ce qu’elle a brisé, il le catalogue, il le collectionne. Il compulse les archives de la débauche, le capharnaüm des rebuts. Il fait un triage, un choix intelligent, il ramasse, comme un avare un trésor, les ordures qui, remâchées par la divinité de l’Industrie, deviendront des objets d’utilité ou de jouissance.
C’est bien sûr cette figure du chiffonnier qui réapparait après que Walter Benjamin, l’ait théorisé dans Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, Edition du Cerf, 1989. Aram Dervent l’a déjà réactivée en tant qu’artiste collectionneur il y a plus de trois décennies dans son livre Fatal, avec ses objets de trottoir qui apparaissent comme symboles des menaces vitales sur l’être humain dont le sida a été le messager.
André Mérian quant à lui affirme dans Documents d’artistes une position pas si éloignée : « J’adopte une posture distanciée, une approche du réel, pour montrer la tension et le vide, voir la perte. »