Dans le fil de nombreuses réflexions, études, expositions et colloques sur la question du développement durable dans la création artistique, Un art écologique invite à repenser des distinctions entre des démarches artistiques. Paul Ardenne met en lumière les problématiques que soulèvent de nombreuses œuvres, à l’ère de l’antropocène. Par la finesse de son analyse, il montre comment celles-ci traduisent une multitude d’engagements et de proximité avec la nature et les questions écologiques. S’il prend le parti d’une découpe non chronologique, d’une sélection d’artistes sur lesquels il revient parfois, ces choix d’œuvres éprises d’écologie nous ouvrent vers des recherches à venir, vers de nouvelles manières de penser la création artistique, qui nous incitent à s’investir, à agir.
L’historien de l’art revient sur une diversité de pratiques artistiques, de différentes époques, pour desceller la signification d’un possible art écologique. Les créateurs parlent de leur époque où le désordre écologique nous impose désormais de réparer, de modifier nos modes de vie et de tenter une reconnexion à la nature. Dans son introduction, Paul Ardenne nous rappelle que l’art écologique n’existe pas en tant que réel mouvement mais qu’il existe une multitude de postures artistiques engagées envers cet enjeu. Il parle d’artiste « en devenir écologique », d’ « éco-artiste », d’artiste « vert ».
Il consacre une première partie de son ouvrage au besoin d’un bain de nature. L’artiste se fait protecteur, comme Gina Pane dont les gestes témoignent également d’une fusion entre l’homme et la nature. L’historien soulève des distinctions pour mieux définir la pluralité des démarches d’artistes qu’on classe parmi ceux qui travaillent dans et avec la nature. Cette immersion de l’artiste, en relation avec des matières naturelles l’amène à faire référence à Thoreau et à l’esprit transcendantaliste. Parler d’écologie nécessite de revenir à l’idée de nature, son essence et sur la notion d’écosystème. Des artistes comme Jean-Daniel Berclaz, avec ses musées du point de vue la donne à voir pour elle-même explique-t-il. La nature est à voir et à vivre. Les land artistes, précise-t-il proposent d’écouter, de saisir, d’éprouver des sensations en prenant le temps d’une relation physique à l’œuvre. Certains collaborent avec la nature.
L’écrivain revient notamment sur les artistes du courant du Land Art, dont les spécificités se retrouvent désormais chez certains artistes, qui se disent travailler dans cette filiation. Ce tour d’horizon nous met en condition pour entrer vers ce qu’il qualifie d’éco-création. Nécessité faisant, l’historien revient sur les débuts d’une pensée écologique. Les artistes, revendiquent-ils, sont en phase avec leur temps. Il distingue dans quelle mesure l’art en relation avec le paysage n’est pas toujours un art soucieux de la nature. Il développe des réflexions sur les différentes postures des artistes face à la nature en bouleversement. Ils collaborent avec elle et en font leur partenaire. Il revient sur la peinture de paysage et sur les penseurs de la nature pour témoigner d’une quête d’un retour à l’Eden et à une terre sans homme. Il met en lumière des œuvres qui impliquent le citoyen à une reconnexion à la terre.
Des artistes s’engagent dans des créations qui nous poussent à être responsables et à survivre à nos angoisses vis-à-vis des dégradations environnementales. Certains s’attachent à réparer, soigner l’environnement comme Agnes Denes ou Alan Sonfist. Ce retour à un besoin d’une relation physique à la nature se traduit chez d’autres artistes par la nécessité de partir en expédition. L’habitat est aussi repensé par des architectes et artistes. Paul Ardenne revendique des projets qui impliquent notre responsabilité envers la nature. Il évoque l’arbre comme motif pour les artistes et décrit des œuvres qu’il avait récemment présenté à l’occasion de son exposition Dendromorphies, à l’espace Topographie de l’art.
Allant encore plus loin, il présente des artistes qui créent des éco-œuvres d’art et bien souvent travaillent en relation avec des habitants, certains développant un art du recyclage. Au fond, relève l’historien de l’art, ces pratiques artistiques renvoient à des faits de société. L’artiste invite le public à s’engager envers les questions écologiques et à prendre soin de la terre. Une postface de Bernard Stiegler ouvre de nouvelles réflexions sur le rôle de l’art par rapport à notre société.
Ainsi, Un art écologique est à la fois un parcours historique à travers des projets qui composent cette nouvelle ère culturelle où nature, écologie et environnement incitent les artistes à prendre position. L’ouvrage nous ouvre un champ d’approches pour apprécier les pratiques artistiques qui nous conduisent à s’investir comme citoyen. L’écologie, le développement durable, la place d’une nature en ville, la prise en compte de la biodiversité, ce sont ces enjeux qui sont au cœur de nouvelles créations artistiques. Un art qui est au plus près de la nature, du vivant, témoigne d’un état de notre environnement tout en invitant à agir.