Penser l’art-thérapie, une autre histoire de l’art et du soin

Jean-Pierre Klein est le pionnier de l’art-thérapie en France, psychiatre honoraire des hôpitaux, il est habilité à diriger des recherches en psychologie. Il a créé en 1081 l’association Art et Thérapie et assure avec une équipe d’artistes depuis 1984 la formation en art-thérapie, d’abord en université formation continue puis dès 1988 dans un département de son association l’INECAT, Institut National d’Expression, de Création, d’Art et Thérapie qui est une établissement privé sous le contrôle du Rectorat de Paris et délivre des diplômes reconnus par l’état de « médiateurs artistiques » et d’« art-thérapeutes ». Après de nombreux ouvrages de référence dont le Que sais-je sur l’art-thérapie Jean-Pierre Klein pose dans cet essai les enjeux de cette discipline, qui a encore besoin non d’une vraie reconnaissance mais plutôt d’une refondation dans l’esprit du public. Ce livre y contribue de façon efficace.

Dans un souci historique sont d’abord étudiés les six courant à la source de ces pratiques : l’art brut, ou art des marginaux et des singuliers s’oppose dans ses attendus à la psychothérapie institutionnelle comme à la psychiatrie et à son surplomb « savant » sur la création. Si la psychanalyse affirme une mainmise sur l’art, la psychiatrie pour enfants se contente de proposer des accompagnements de création. L’auteur approche aussi l’œuvre plus inventive d’artistes comme Adrian Hill (1905 -1941) ou Marian Chace (1896-1970). Ces recherches s’appliquant à tous les arts, le livre ne manque pas d’aborder aussi les Dance Movements Therapy, à travers les personnalités de deux notateurs de la chorégraphie : Jacques Dalcroze et Rudolf von Laban

L’auteur se revendique de la pensée du dernier Winnicott, il défend ainsi la symbolisation comme source de changements. Il élabore à partir de là des hypothèses métapsychologiques. Il opère ses définitions par différenciations. C’est aussi à Winnicott et à ses « objets transitionnels » qu’il emprunte ses concepts fondamentaux. Parmi les concepts opératoires qu’il met en œuvre, on peut y apprécier les différentes nuances de déclencheurs : ceux qui suscitent une implication personnelle côtoient ceux qui ne sont source que d’expression et d’autres qui permettent d’accéder à la création.

Quand sont mis en action les mécanismes du déplacement, de la métaphore, on peut entendre dans l’éloge du regard latéral, des avancées thérapeutiques qui rejoignent les propositions contre- idéologiques et artistiques de Slavoj ZIzek dans son essai sur La parallaxe. Le résultat escompté est de
« permettre à la personne d’être en liaison avec ses propres secrets et devenir l’auteur de ce qui la traverse et la parcourt »

Si la postméditation à partir des productions plastiques, sonores ou visuelles définit sa philosophie on comprend la double définition soigné-soignant qu’Henri Maldiney donne dans sa postface :
« Le thérapeute est un champ de présence ouvert à l’autre » tandis que
« L’œuvre est un événement qui ouvre un monde en nous transformant »

Le travail indirect sur soi provoque un profond processus de transformation. L’art-thérapie contribue ainsi à changement des mentalités qui peut impacter le projet sociétal. C’est aussi pourquoi Jean-Pierre Klein vient de lancer une nouvelle collection aux éditions Hermann sous le titre Précursions qui présente dans cette même urgence celle « de la refondation d’un monde qui s’inspirerait de l’approche artistique, de l’être humain global »