Pierre Restany et les Archives de la critique d’art

Les Archives de la critique d’art, basées à Châteaugiron en Bretagne, à côté d’autres nombreux fonds de critiques s’organisent actuellement autour d’une importante donation de Pierre Restany et de son épouse. Leur bibliothèque prendra prochainement le nom du célèbre critique, un déménagement est en vue, mais surtout les historiens, critiques et artistes ont désormais à leur disposition des documents d’une richesse exceptionnelle concernant les années 1960-2000 Ce fonds de l’une des figures majeures de la critique d’art du XXème siècle résulte de l’étroite relation de Pierre Restany avec les Archives de la critique d’art depuis leur création en 1989 Des programmes d’inventaire, de recherche et de valorisation ont déjà été lancés.

José-Anne Decock-Restany, épouse de Pierre Restany, critique d’art libre et influent décédé en 2003, effectue un don exceptionnel aux Archives de la critique d’art constituant un fonds de 253 mètres linéaires à disposition des chercheurs et des artistes. De nombreux événements sont prévus en lien avec l’arrivée de cette importante donation.

Né en 1930, Pierre Restany débute son activité de critique d’art alors qu’il s’installe à Paris en 1948. Il s’intéresse très vite à Yves Klein dès 1955, puis les Nouveaux Réalistes, qui le fait entrer dans l’histoire. Il participe activement à ce mouvement et en rédigera le manifeste. Dans le monde de l’art de la seconde moitié du XXème siècle, Pierre Restany, décédé en 2003, a été un critique influent dont l’intense activité en fait une sorte de curator avant que ceux-ci ne fassent leur apparition. Il avait pour soucis non seulement la compréhension et l’explication de l’art de ses contemporains, mais également sa diffusion profitant de son important réseau de relations pour faire avancer des projets.

Dès les années 60, Pierre Restany est sur tous les fronts et tous les continents. Il publie à Milan, correspond avec Leo Castelli et les conservateurs des plus grands musées du monde, travaille avec Clement Greenberg dans les jurys, organise une section de Biennale à São Paulo, cofonde une galerie et occupe le Musée d’art moderne de Paris (1968), demande la démission de Malraux, mais, surtout, il n’oublie jamais les artistes et l’art qu’il soutient. Si le critique évite soigneusement le milieu institutionnel, il accepte tout de même, en 1989, la présidence du Palais de Tokyo parce qu’il le considérait comme « une des rares aventures du monde de l’art aujourd’hui » mettant en avant « la survie de la communication libre au niveau d’une génération qui est directement aux prises avec toutes les tentations d’homologations médiatiques » . (Interview de Pierre Restany lors de l’inauguration du Palais de Tokyo. [1]

Les Archives de la critique d’art, créée en 1989, sont directement liées à la figure de Pierre Restany. D’abord parce qu’elles furent créées à la suite du besoin exprimé par le critique et d’autres de sa génération de conserver leurs précieux documents, véritables pans de l’histoire de l’art qui n’intéressaient alors aucune bibliothèque ou archive. Il fit alors un premier versement. À la suite du décès de son mari, Madame José-Anne Decock-Restany a procédé à un don exceptionnel. Le fonds se compose désormais d’environ 1000 dossiers d’artistes, de catalogues d’exposition, de rapports de jury, de sa collection de livres sur la critique d’art, ainsi que d’une très riche correspondance entretenue avec des artistes, critiques et conservateurs, manuscrits et tapuscrits qui selon Jean-Marc Poinsot, Président des Archives de la critique d’art, sont parfois de véritables articles.

Composés de documents très divers, ces dossiers abordent notamment le Nouveau Réalisme, les liens qu’il entretenait avec la galerie Apollinaire de Milan où furent exposés notamment Manzoni et Fontana, le Mec-Art , l’Expressionnisme abstrait, l’Art informelle, le Happening et en relation avec ce dernier courant, plus rare en Europe, les documents que le critique conservait à propos du mouvement japonais Gutaï si important pour sa compréhension en Occident.

Espérons que les nombreux chercheurs à consulter ce fonds ainsi que les travaux entrepris sous la direction de Jean-Marc Poinsot, par l’intermédiaire de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), des Archives de la critique d’art ou de l’Université de Rennes, dont il est respectivement directeur du Département des études et de la recherche, président et professeur d’histoire de l’art, permettront de mettre en avant cet important héritage, source majeure pour la connaissance de l’histoire de l’art de la seconde partie du XXème siècle.

Dès leur arrivée aux Archives, les documents ont été mis à disposition des chercheurs et un programme de recherche a été mis sur pied en partenariat avec l’INHA, Paris. Plusieurs événements et publications sont en préparation, en parallèle à la saisie et à la numérisation du reste du fonds, dont les principaux pour cette année sont : organisé les 30 novembre et 1er décembre 2006 à l’Institut national d’histoire de l’art en partenariat avec l’Association internationale des critiques d’art et le Palais de Tokyo ; sur la base des conclusions du colloque, un programme de publication de sources et de textes de Pierre Restany sera lancé aux Presses universitaires de Rennes en 2007 ; deux expositions-dossier à partir du fonds Pierre Restany : l’une en septembre 2006 dans les salles permanentes consacrées aux affichistes au Musée des Beaux-Arts de Rennes ; la seconde à l’Institut national d’histoire de l’art, galerie Colbert, sera consacrée au happening.