Quatre plasticiens à la rescousse de l’été arlésien 2020. Arles contemporain 1

Au moment où un homme de télévision a été préféré à un homme de terrain aux municipales, où Christophe Wiesner, transfuge de Paris Photo, vient d’être nommé à la direction des Rencontres d’Arles 2021, la ville désertée par l’édition 2020 annulée du fait de la pandémie réagit par toutes sortes d’initiatives que recense Arles contemporain. La qualité de ces propositions comme leur diversité mérite de traiter cette situation inédite en plusieurs articles. Deux propositions historiques, la réponse de Voies Off trois situations technologiques, les réponses à la pandémie et pour commencer les monographies de quatre plasticiens.

Comment mieux signaler l’état de la ville post pandémie qu’en mettant en scène un Ghost Projet c’est ce que fait cette artiste, Natali Victor-Retali signant N_VR qui investit l’immense Chapelle des Frères Prêcheurs avec sa compagnie de fantômes. Ils sont sculptés en petit format, suspendus avec leur linceuls flottants, repérés en photos couleurs aux formes évanescentes, incarnés par des autoportraits de l’artiste tout aussi fluctuants et leur silhouette se trouve prise dans des peintures murales. Une bande son et un intermède chorégraphique complèteront cette scénographie de circonstance.

Marcel Miracle quant à lui occupe la galerie de Cyrille Putman avec des collages de très petits formats mêlant objets du quotidien, coupure de presse et petites formes féminines dessinées. Cet artiste qui exerce aussi bien le graphisme , que l’illustration, la création de livres uniques trouve dans chaque pratique à mettre à l’oeuvre ses talents techniques autant que son humour au service d’un univers poétique attachant. Les silhouettes mixtes ainsi créées nous incitent à les approcher, à les déchiffrer, nous obligeant souvent à exercer notre sens de l’humour et notre admiration pour l’effet de sens déflagrant qui résulte de ces rapprochements incongrus.

Muriel Toulemonde s’est d’abord fait connaitre par sa pratique de la vidéo qu’elle enseigne à l’ENSP. Mais formée en école d’art elle poursuit son oeuvre à travers d’autres techniques dont à l’occasion la photographie et surtout le dessin. L’exposition ouverte juste avant le confinement pour deux jours et prolongée jusqu’à la rentrée prouve avec une réelle force d’évidence combien son univers créatif a pris forme en trouvant à s’exprimer de façon apparemment différente. Une même énergie vitale la traverse, la reprise de vidéo anciennes comme de grands dessins installés au sol fonctionne sur la manifestation du corps en mouvement. Le corps animal, le corps sportif comme celui de l’artiste sont mis à contribution pour matérialiser cette énergie qui les les anime.

Une photo prise dans la nature d’un corps caché derrière une installation de pierre, pouvant représenter les différents chakras, semble symboliser la circulation énergétique. Les croquis reproduits en isographie d’un terrain de basket où le coach a inscrit les possibles déplacements répond à la vidéo tournée en Grèce sur le stade où est né l’Olympisme. Ce sont des sprinteuses qui sont filmées de face, leur élan contrarié par l’ouverture bruyante d’un parachute qui contraint leur course. Les figures plutôt masculines de la Parade dialoguent avec les formes intestines du Principe féminin. Cette oeuvre qui trouve ici un aboutissement dans ces émanations formelles Muriel Toulemonde la considère dans sa modestie habituelle comme un simple chantier, à l’instar de celui de la nouvelle Ecole qu’elle a documenté avec ses étudiants comme d’une maison individuelle dans la banlieue d’Arles. Des chances nouvelles pour nous de découvrir d’autres créations d’une artiste toujours en recherche.

Près de l’Hôtel de ville à côté de la librairie du Palais réouverte et rénovée par Delphine Manjard qui expose les grandes polyptyques aux formes sombres de Pablo Guidali, diplômé de l’ENSP, se situe la petite galerie Regala . Elle avait été inaugurée par Anne Clergue, elle est reprise depuis l’an dernier par Véronique Pieyre de Mandiargues et Florence Reckinger-Taddei, que nous connaissons pour son action depuis trois ans au sein de Lët’z Arles, exposant pendant les Rencontres un duo de photographes luxembourgeois. Cet été les portes grandes ouvertes attirent le regard par de vives formes colorées. Le programme de Pascal Monteil s’énonce comme A la merci du soleil, l’auteur ne s’exprime que sur des toiles de chanvre du XIXe siècle où il tisse des fils de laine hauts en couleurs qui tressent des processions, des scènes à la puissance poétique et dramatique.

On y retrouve avec une palette aussi riche que de celle de Van Gogh des situations humaines comme le retour de Rimbaud du harrar pour sa fin tragique à Marseille. Le silhouettes humaines souvent torturées sont riches d’histoires pas toujours aussi simplement identifiables mais toujours luttant pour leur survie. Christian Lacroix dans le premier cahier Regala qui raconte son travail le décrit comme « un artisanat énergique et musclé, presque martial, qui n’a rien de l’ouvrage de dames. » Des toiles de plus petit format font référence à des ateliers d’artistes à travers leur lit tels que Isherwood, Pirosmani, ou Tanizaki. Des figures historiques comme celles de Noé ou de Médée côtoient des anonymes comme cette Femme fardée ou cet homme nu qui nous confrontent à leur insolente humanité. Un long défilé aux attitudes tourmentées se réclame comme les Larmes pour la Monja Gitana. Chaque oeuvre dans son rayonnement moins que notre culture appelle notre propre humanité à la rescousse.