Aurore Bagarry voue un intérêt pour les paysages qui se transforment par le réchauffement climatique. La présence de l’eau constitue l’élément récurrent de ses atlas photographiques. Suite à son inventaire des glaciers, réalisé dans le but de témoigner de l’impact de l’érosion, elle est partie explorer des roches le long du littoral de la côte d’Armor jusqu’au Pas-de-Calais et d’autres qui bordent la côte sud de l’Angleterre.
En utilisant la chambre photographique, l’artiste restitue les détails des textures des paysages. Elle privilégie un cadrage frontal, des temps plutôt gris pour développer des images neutres tout en préservant la richesse des couleurs et souligner la forme de ces blocs qui marquent des sites naturels. Ses photographies rendent ainsi visibles des coupes géologiques. Les roches ont une temporalité qui nous échappe, ce qui intéresse la jeune photographe, attentive aux sites et aux territoires.
Sa résidence au centre d’art contemporain GwinZegal à Guingamp l’a amenée à rencontrer des géologues. Ces scientifiques lui ont permis de comprendre les particularités des côtés françaises et anglaises, qui ont un passé géologique commun. Ils ont également collaboré à la création du livre qui réunit l’ensemble de son travail photographique sur ces roches.
La démarche artistique d’Aurore Bagarry se rattache à la fois à la photographie documentaire et à une recherche de sensations et d’expériences esthétiques du paysage. Elle s’inscrit dans la lignée de photographes de paysages aux Etats-Unis et à ceux qui ont contribué au programme de la DATAR en France. Les roches révèlent la fragilité et la monumentalité de certains paysages, sites témoins de guerres et des conflits qui ont marqué l’histoire.
Aucun humain sur ses photographies, comme pour suggérer d’autant plus une nécessaire mise à distance avec ces formations géologiques issues de l’érosion. Ces paysages incarnent le travail du temps et témoignent d’un mouvement continu qui les transformant, modifie également les frontières. Ils paraissent à la fois stables et fragilisés, nous incitant à prêter attention aux potentiels dangers qu’ils peuvent produire. Certains rocs ont des formes tellement étranges qu’elles peuvent susciter la curiosité et nous inciter à nous interroger sur leur origine et leur évolution au fil des années.
Ainsi, ses photographies provoquent une expérience de l’ordre du sublime, une sensation qui serait liée à la crainte d’une disparition progressive de ces formations géologiques. Leur cadrage et leur frontalité révèlent leur puissance et leur étendue qui imposent un sentiment d’humilité.
L’exposition d’Aurore Bagarry nous invite à la découverte de ces paysages dont les anfractuosités, les couleurs et les stratifications de matières attirent le regard, les explorations et sont les objets d’études scientifiques.