Deux séries de photographies noir et blanc de Marie Maurel de Maillé composent ce livre des éditions de l’épair sous la direction de Sandy Berthomieu et Soraya Hocine. L’artiste y manifeste un intérêt pour les figures féminines oubliées, méconnues ou disparues. Si les images des « Inconnues de la scène » relèvent d’une forme d’apparition plutôt apaisée dans la fusion entre nature et visage , celles « d’Holy Flesh » sont empreintes d’une sourde violence.
Après des études à Porto à l’Universidade do Bellas Artes Marie Maurel de Maillé , née en 1978 a poursuivi son cursus à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Saint Etienne où elle a partagé l’enseignement de François Méchain. Dans une collaboration avec Eric Rondepierre elle lui emprunte des vues d’actrices du cinéma muet ,images argentiques qu’elle combine avec des images numériques de sites naturels tous liés à l’eau. Son inspiration est liée à une héroïne anonyme l’Inconnue de la Seine, dont ne subsiste qu’un masque moulé en plâtre qui inspire de nombreux créateurs. Le titre par son jeu de mot Les inconnues de la Scène introduit une théâtralité qu elle prolonge dans la mise en oeuvre d’Holy Flesh. Une autre référence surgit face à ces montages dynamiques, la légende d Ophélie telle que mise en vers par Rimbaud :
« La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles… »
L artiste utilise elle-même régulièrement toutes sortes de tissus attachés au corps féminin comme le prouve le titre d’une de ses autres séries récentes Faire voile. Mais les visages en apparition dans les éléments liquides ont moins à faire avec une noyée qu’avec les nymphes, ces divinités mineures actives parmi les éléments naturels.
En ayant pris conscience à la lecture du livre de ce changement de statut je ne peux que me souvenir d’une exposition remarquable de Nan Goldin Soeurs, saintes et sybilles présentée en 2004 à la Chapelle de la Salpétrière. Pourtant aucune revendication de mythologie personnelle, ni de parti pris documentaire dans Holy Flesh. Dans son texte la photographe se réfère à l’hagiographie, citant les saintes et martyres de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Elle opère par des cadrages serrés qui fragmentent un corps féminin sous un voile qui ne masque pas les marques à sa surface , sur sa peau fragile. Si une trilogie se met en oeuvre dans la continuité des deux corpus féminins , à travers plusieurs lignées évoquées dans ce livre sensible elle s’énonce Saintes, nymphes et martyres dans une empathie de genre.