Suite à ma découverte du travail artistique de Simon Pheulpin au Domaine de Chaumont-sur-Loire, cette exposition au Musée des Arts Décoratifs attise mon intérêt envers son processus créatif.
Dans le parcours des collections permanentes, ses sculptures en bandes de coton ponctuent les collections XVIIIe siècle, Art nouveau et Art déco. Elles font écho aux panneaux et meubles de laque du XVIIIe, sont posées sur des meubles d’un intérieur réalisé par Louis Majorelle, sur d’autres des appartements reconstitués de Jeanne Lanvin. Telles des trouvailles ou des merveilles de la nature, elles saisissent notre regard par leur élégance et incarnent une certaine préciosité.
Depuis 50 ans, l’artiste ne cesse d’affiner sa technique, maîtrisant chacun de ses gestes. Sensible aux paysages des Vosges, sa région natale, marquée par les souvenirs de ses voyages, l’artiste fait naitre des formes organiques, coquillages, coraux, minéraux, nids, montagnes et autres éléments naturels. Son savoir-faire relève d’une extrême patience et d’une grande délicatesse. Elle se laisse guider par sa bande de coton issue de l’une des dernières manufactures vosgiennes, variant les superpositions et les espacements. Simone Pheulpin en a fait son médium de prédilection et n’a de cesse d’explorer ses limites.
Ses pièces de tissus de la série Croissance donnent à voir des cercles qui captent notre regard et s’apparentent à des marques du temps. Celles de sa série Eclosion semblent accueillir un petit être venant s’y loger ou bien annoncent une possible transformation. Sur des panneaux se révèlent des failles, des anfractuosités, telles qu’on pourrait les trouver dans la nature. Les formations géologiques attirent notre attention par leurs textures et par les sensations qu’elles suscitent en nous, douceur, dureté, fragilité et force. Ses sculptures réveillent des souvenirs de promenades et d’observation de plissements dans les roches. Le temps du travail de l’artiste rejoint celui de la nature, les étapes de croissance des arbres, celles de fissures ou de failles, comme dans sa série de sculptures nommée Anfractuosité.
Ses œuvres accrochent la lumière et nous invitent à observer les détails minutieux de chaque geste de plis. Celles-ci nous ouvrent vers un monde fascinant, où chaque matière, fragment naturel devient source de rêverie. Elles pourraient prendre place dans un cabinet de curiosités. Ici, elles répondent aux décors de différentes périodes historiques. Leur blancheur contraste avec les teintes des boiseries, de la laque et d’autres matières du mobilier ainsi que des objets des collections du musée. Leurs plis et leur volumétrie font particulièrement écho aux lignes fluides des boiseries art nouveau…
Ces volumes de plis de coton renferment des mystères, l’histoire de territoires parcourus, de contrées à explorer ou de milieux naturels qui viendraient à disparaître. Ses sculptures jouent sur le trouble des matières tant le coton brut se confondrait presque avec des textures de pierres, de rocailles, de coraux. Simone Pheulpin compose des familles de formes naturelles, de nouveaux spécimens… L’artiste affinant son répertoire de plissements, de nombreuses analogies se donnent à voir. Ainsi, nous sommes conviés à prêter d’autant plus attention à la richesse des formations géologiques, à la diversité des lignes, des courbes, des brisures et des continuités présentes dans les roches, les écorces : une nature qui n’en finit pas de nous étonner.