Madeleine Filippi a été invitée par Claus Sauer en résidence critique à Caza d’Oro au Mas d’Azil en Occitanie. Elle y a mené un dialogue avec six femmes artistes qui travaillent le fragment comme paradigme de la mémoire. Les résultats de cette résidence sont publiés par les éditions Naima sous une sobre couverture noire avec le titre « Fragments » juste gaufré.
Critique d’art et commissaire d’exposition indépendante Madeleine Filippi travaille les questions de Mémoire(s) et Langages(s), elle s’est intéressée aussi aux pratiques de la performance. Elle revendique de construire ce livre comme une exposition sur le souvenir et sa représentation. En ouverture de chaque partie monographique on trouve la rosace d’un nuage de mots suivi d’un court extrait d’entretien qu’elle envisage comme un cartel de l’oeuvre abordée et reproduite en quelques doubles pages.
Les artistes retenues partagent le recours « à l’archive, l’aspect sériel, l’enjeu de la composition, de la trace et d’une temporalité morcelée ».En tant que médiatrices elles incitent le spectateur à partager une expérience mémorielle commune.
La référence à l’archive peut être plus ou moins évidente dans l’oeuvre finale. Yvonne Calsou dans ses dessins perforés organise par un travail de retrait des cartographies tactiles qui ne renvoient pas immédiatement aux vues aériennes de sites d’évènements personnels. Le jeu de la stratification s’oppose à une lecture immédiate.
Julie Saclier a créé un Tumblr où elle regroupe toutes les informations qu’elle recueille par des Alertes Google sur le charbon. Une sorte d’enquête géo-artistique se met ainsi en place dans une esthétique du flux documentaire généralisé.
Lise Chevalier pour mettre en avant « La tyrannie de la mémoire » construit à partir d’images mentales un système de lecture photo-texte qu’elle scénarise dans un dispositif d’exposition pour une lecture dynamique.
Dounia Chemssedohha avec ses installations Le souvenir d’un paysage est presque toujours violet fait se côtoyer des photographies stéréotypées de paysages aux couleurs effacées par l’artiste avec un flacon contenant un liquide coloré.
Marilina Prigent fusionne dans ses vidéo images d’archives et images personnelles pour évoquer la mémoire des Républicains espagnols fuyant l’Espagne franquiste lors de la Retirada. Une fiction documentaire d’une grande puissance évocatrice.
Dans la logique de ce même courant Lilie Pinot retravaille des archives de différents soulèvement depuis les barricades de 1848 en passant par celles de 1968 à qui elle fait subir différents traitement plastiques d’une grande force sensuelle. Ses propres images de mouvements récents subissent elles aussi l’interprétation sur différents papier, gélatines ou cires. L’ensemble dans ce jeu d’effacement et de surgissement des figures de la révolte prend valeur de palimpseste historique.