Une fois passé sous le plafond de marteaux en fer ou en bois, de sacs de femmes qui pendent, c’est une voix qui envahit l’espace sonore, une voix qui déclame, qui éructe et qui accompagnera tout au long de la déambulation dans ce chaos organisé. Cette voix, qui est celle d’Antonin Artaud, donne le ton, celui de la révolte, à cette exposition à la Maison Rouge, quand ce n’est pas la voix de Allan Ginsberg qui elle aussi déclame son Hum Bom.
Parmi les photos de barricades, aux insurgés de tous pays et toutes époques, celle du soulèvement du bitume dans une rue, comme pour se débarrasser de ce qui recouvre, de ce qui cache pour en découvrir les dessous, en l’occurrence les pavés, prolonge et annonce le séisme visuel et sonore dans lequel nous sommes engagés.
« La terre, est-ce quelque chose ou quelqu’un ? » nous dit un galet. S’affranchissant de l’espace et du temps, des vidéos métamorphiques empruntent, aussi bien aux Vénus aurignaciennes qu’aux madones sculptées ou peintes de toutes les époques, la plasticité du corps de la femme quand ce n’est pas celle de leurs fesses. Dans un coin la statue de la liberté regarde.
Pèle-mêle, des oeuvres primitives, d’art populaire, ou d’art ancien et moderne semblent témoigner à la fois de la constante et de la multitude de l’imaginaire qui habite les humains.
La présence de la guerre, celle de 14/18, avec la présentation des centaines de douilles d’obus sculptées et gravées sur le champ de bataille par les « poilus » des deux camps, et transformées en vases, « l’artisanat des tranchées », sont comme autant de traces anonymes de l’inlassable besoin de créer de l’homme. Sans parler de cette touchante petite bague bricolée par Guillaume Appolinaire pour sa fiancée dont le chaton est un bouton d’uniforme anglais.
« L’irregardable » se tient dans une petite pièce à l’écart où là, ce n’est pas au besoin créateur de l’homme que nous avons à faire. Le rapprochement d’une oeuvre de Blalla Hallman de 1991, « Der Popstar »représentant Hitler au centre de la croix du Christ qui éjacule sur des cadavres et des femmes nues apeurées, avec les photos prisent par des soldats américains (homme et femme) dans les prisons d’Abu Ghraïb alors qu’ils infligent des humiliations et des tortures à des prisonniers de guerre irakiens nus, entassés, la tête recouverte d’un sac, à quarante années de distance nous montre que rien n’a changé, le pire est toujours possible.
La reconstitution de la chambre d’Artaud à l’hôpital de Rodez se trouve tout en bas. Il y a subi une cinquantaine d’électrochocs. Portraits retraçant sa vie. Artaud comédien dans les films d’Abel Gance ou de Dreyer, l’auteur, théoricien du théâtre avec Le théatre et son double, Artaud dessinateur. Rejeté, révolté, refusant toute « mise au pas », c’était bien sa voix qui a illustré d’images sonores notre visite.
Et puis plein d’autres choses qu’il faut voir à tous prix. Courez-y !!!!