Sous la canopée, exposition de Benoît Billotte

Suite à sa résidence d’artiste au Mexique et à sa rencontre avec la culture Totonaque, Benoît Billotte a commencé à s’intéresser aux plantes tinctoriales. Il prend le temps d’explorer un territoire afin d’interroger les savoir-faire, les modes de vie et les partager ensuite de retour à l’atelier. Ses voyages dans des territoires éloignés sont sources de réflexions, qu’il décante alors et qui lui donnent des envies d’explorer de nouveaux matériaux pour des œuvres bien souvent en possible transformation.

Pour l’ancienne église du palais de l’île dans le cadre d’Annecy paysages, il propose une installation in situ qu’il nomme Sous la canopée, tel un jardin clôt de tissus en coton teints grâce à des décoctions de plantes exotiques ou locales, suspendus à diverses hauteurs. Cette œuvre propose différentes expériences perceptives : Au premier regard, une atmosphère colorée nous attire puis nous sommes invités à nous approcher et à lever la tête pour découvrir les inscriptions végétales qui ponctuent chaque long tissu délavé. Sur certains, un dessin de plantes (bananier, noix de coco, palmier) sur d’autres des schémas, des coupes de cellules, des cartes d’échanges intercontinentaux, sur d’autres encore des couvertures de livres ou des dessins de botanistes, également réalisés avec des couleurs naturelles.

L’artiste tisse de nombreuses connexions avec divers champs scientifiques liés aux plantes voyageuses, qui furent découvertes au fil des années. Ses lectures l’amènent à composer une banque d’images et ses observations l’incitent à dessiner des cartes de déplacements des végétaux qui furent cultivés et transportés pour leurs propriétés. Par capillarité, les couleurs dessinent des lignes, une fluidité qui suggère un paysage maritime. Il réunit ici ses recherches qu’il a imprimées, sérigraphiées pour constituer une encyclopédie personnelle des voyages des espèces végétales.

Un banc en bois offre un moment de pose pour prendre le temps de contempler l’installation. Ce qui nous rappelle les visites de jardins botaniques dans lesquels nous sommes conviés à nous promener et à prêter une fine attention aux espèces répertoriées, classées, herborisées. Benoît Billotte fait ainsi référence au jardin comme « hétérotopie » pour Michel Foucault, un lieu autre où d’une certaine manière voyager dans un espace clôt : « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde. Le jardin, c’est, depuis le fond de l’Antiquité, une sorte d’hétérotopie heureuse et universalisante (de là nos jardins zoologiques). » écrivit-il en 1967. Nous pouvons également penser à l’expérience que provoque la forêt tropical, milieu dense, qui continue d’attirer les botanistes comme Francis Hallé, qui tend à reconstituer une forêt primaire en Europe de l’ouest.

Benoît Billotte a composé avec l’architecture de ce lieu religieux, en jouant notamment avec la belle hauteur sous la charpente. Son installation apporte de la couleur à cette ancienne église et la lumière naturelle la traverse, tel un écho au phénomène que permet le vitrail. Son œuvre évolue alors légèrement au fil des jours, les teintes s’effaçant progressivement.

Par ailleurs, les nombreuses utilisations des végétaux sont mises en avant, leurs propriétés médicinales, comestibles, tinctoriales… également motifs décoratifs. Les plantes circulent de contrées en contrées et sont étudiées en relation au milieu où elles furent prélevées. L’artiste met en lumière leur migration liées au commerce, à la volonté de les montrer au grand public dans les jardins botaniques et ensuite à les acclimater afin qu’elles ornent les villes.

Sous la canopée nous incite à prendre une posture d’explorateur. Du sol au plafond, notre regard est en mouvement pour déchiffrer les différentes représentations scientifiques et artistiques d’une végétation exotique et locale domestiquée. Prenons soin de cette flore qui témoigne de son transport et des nombreux intérêts qu’on lui porte. L’artiste révèle les multiples propriétés des espèces endémiques des territoires où il fut en résidence. Son œuvre nous invite alors à ouvrir les pages d’herbiers et de récits de découvertes botaniques.