Avec beaucoup d’exigence dans la mise en page et l’impression, Didier Ben Loulou publie trois nouveaux opus d’excellente facture qui sont de véritables joyaux visuels pour les amateurs de livres de photographie.
« Le tirage Fresson opère une dilatation dans le grain, la texture, le velouté, en effaçant un trop-plein visible pour conduire à une lecture plus hésitante, moins précise, légèrement décalée, hors temps. C’est ce décalage, ce léger flou qui m’intéresse, lequel n’a rien à voir avec le pictorialisme ou un bibelot photographique qui singerait la peinture… J’essaie de situer mon travail le plus loin possible d’une trop grande transparence vis-à-vis du réel tout en essayant, depuis l’intérieur des images, de ralentir le temps. » (Fabien Ribéry, Didier Ben Loulou, Mise au point, entretiens, Arnaud Bizalion Éditeur, 2019, p. 13) déclare Didier Ben Loulou à propos de ses tirages pigmentaires en couleur. L’on retrouve cette exigence de qualité et cette matité si sensuelle dans l’impression de ses deux derniers livres de photos parus aux éditions de La Table Ronde, Sud (2018) et Sanguinaires (2020) comme d’ailleurs les précédents : le photographe a beaucoup publié en quarante ans de carrière (le but n’est pas ici d’en dresser la bibliographie complète). Il confie suivre avec beaucoup d’attention la maquette et l’impression de ses remarquables opus et c’est patent !
Sud est un livre attachant de très petit format qui regroupe ses images réalisées dans le bassin méditerranéen et l’Europe du Sud, Sanguinaires quand a lui, proche du format A 4, est le résultat d’une commande sur une partie du littoral corse.
La mise en page sobre exclut à chaque fois tout parti pris de pliage qui mutilerait, comme c’est si souvent le cas chez d’autres auteurs (le pire étant les doubles pages de visages !), les images. Celles-ci ce succèdent comme on consulterait un port-folio, et les pages blanches sont autant de silences dans une subtile partition visuelle.
Je possède la première publication notable de Ben Loulou, due à Michel et Michèle Auer et leurs éditions Ides et Calandes (Photogallerie 1), en 1996. Il fallait, à l’ancienne et comme un bon bibliophile, ouvrir les pages avec un coupe-papier comme on le ferait avec un recueil de poésie… Poésie avec laquelle une telle pratique argentique sensible et discrète, génératrice en tout cas de puissantes images mentales, a peut-être plus d’affinités qu’avec les photographie clinquantes de l’imagerie numérique contemporaine agressivement véhiculée, notamment, par la publicité !
Depuis ses début Ben Loulou utilise le même Hasselblad au célèbre format carré. Ses photos ne sont ni des paysages ni des portraits, elles relèvent, dans la fragilité des textures végétales ou minérales comme le grain des carnation, en équilibre toujours entre réalisme et onirisme, de la même « conscience harmonique suprême » , comme la nomme si justement Fabien Ribéry. Des photographies habitées par la même quête spirituelle…
A défaut de pouvoir s’offrir l’un de ses magnifiques tirages Fresson, le public peu argenté pourra s’offrir pour un prix modique l’un de ses ouvrages en couleur à la finition et l’impression si parfaites, et dont la consultation est un pur condensé de bonheur visuel.