Trois expositions à l’Institut du Monde Arabe pour ses 30 ans

Deux expositions monographiques et un accrochage collectif permettent à l’Institut du Monde Arabe à Paris de fêter ses 30 ans d’existence. Renouvellement de la tradition et engagement politiques concourent à donner une image contemporaine de l’art des pays arabes. Dia Al-Azzawi et
Lassaâd Metoui dialoguent avec de nombreux contemporains s’exerçant à toutes sortes de pratiques artistiques actuelles.

L’artiste irakien Dia Al-Azzawi a produit 9 planches gravées sous le titre Nous ne voyons que des cadavres et 16 sérigraphies issues du portfolio Hymne au corps, deux séries dédiées au massacre de Sabra et Chatila. Cet ensemble d’une grande force a été produit autant en réaction directe à l’événement qu’à sa médiation littéraire via le texte de Jean Genet Quatre heures à Chatila de 1983. En liaison à l’exposition Guernica au Musée Picasso-Paris qui présente plusieurs œuvres de l’artiste l’IMA expose ce travail. Mais quel manque de professionnalisme d’accrocher ce travail subtil qui reprend et actualise certaines figures du tableau de Picasso dans de si déplorables conditions d’éclairement. Chaque œuvre est mangée dans un ou deux de ses angles par l’ombre d’un projecteur mal dirigé.

C’est au contraire un accrochage très réussi que constitue la carte blanche à Lassaâd Metoui qui avec Le Pinceau Ivre fait dialoguer différentes calligraphies avec les multiples œuvres de la collection permanente rassemblées sur les quatre étages du Musée. Reconnu comme un des plus célèbres calligraphes arabes contemporains il est représenté dans de nombreuses collections privées et publiques (Centre Georges Pompidou, musée Guimet, British Museum, musée du Bardo…).Il a su médiatiser sa pratique autant par ses performances à travers le monde entier que par des collaborations avec une romancière comme Amélie Nothomb (Le Mont Fuji) ou le linguiste Alain Rey (Le Voyage des mots).

En petit format ses œuvres intimes illustrent des généralités sensibles liées à l’humain, ses relations, ses sentiments. Son économie de moyens lui fait combiner un corps de lettre d’un monochrome sombre avec des touches de couleurs en ajouts plus singularisés. Au contraire ses œuvres de garnd format que l’on sent héritées d’une gestuelle plus expressive rejoignent les grands courants de la peinture abstraite. Une réelle énergie liée à de grands aplats de couleurs éclatantes rend la lecture attrayante dans un hymne à la vie.

Pour fêter plus directement les 30 ans de l’IMA l’agence de communication Fred et Farid a eu l’idée de réactiver le principe surréaliste du cadavre exquis. Un tel projet ne pouvait s’envisager que collectif. Pour déterminer le nombre de joueurs ils ont pris prétexte des 240 moucharabiehs de la façade qui viennent d’être remis en fonctionnement. Ce sont autant de créateurs issus du monde arabe ou liés à celui-ci qui ont entamé ce dialogue multiculturel. Chacun a disposé d’une surface de 40 centimètres par 40 pour produire sa réalisation (peintures, photos, sculptures, dessins, calligraphies, collages) en ne connaissant de l’œuvre précédente qu’une marge étroite. Un premier tiers de cette production vient d’être dévoilé qui aboutira à l’automne à une fresque totale de 9 mètres 60 sur 4. On a le plaisir d’y retrouver des artistes comme Laila Muraywid,Samta Benyahia, Meriam Bouderbala, Tahar Ben Jelloun, Mounir Fatmi ou Mohamed El Baz. L’ensemble contribue à donner une vraie dynamique à ce Regard ouvert sur le monde arabe.