Ugo Rondinone

Editer un catalogue monographique d’un artiste comme Ugo Rondinone, c’est se lancer dans une entreprise difficile, celle de construire un parcours dans une œuvre qui s’étire et se déploie à la manière d’une constellation.

Chaque série d’œuvre d’Ugo Rondinone a son autonomie propre et se situe dans une quête ne cherchant pas à tout prix à se rattacher à ce qui est venu avant, et à ce qui viendra après. Des vidéos aux sculptures, des installations sonores aux peintures, le spectateur est souvent décontenancé par la pluralité des propositions, dont la forme globale échappe. Le catalogue peut alors chercher à ordonner les choses, à résorber cette impression de brouillard, à tisser des fils entre les oeuvres. On feuillète les pages avec l’espoir d’apercevoir enfin la constellation que forme cette multiplicité.

La porte sombre et verrouillée de la couverture débouche sur une page noire, puis sur une autre porte close et sombre. Les images se succèdent alors dans un rythme fourni, sans respiration, sans page blanche. Ugo Rondinone ne nous laisse pas de répit, il nous entraine dans une exploration de son univers dense et fournie. Le temps s’étire face à cette somme lourde et volumineuse. Les heures du poème, succession d’énormes sculptures-ampoules colorées, se déroulent sous nos yeux captivés, pour ne s’interrompre qu’avec la vingt-troisième, parce que le temps est écoulé. Et puis cela continue ailleurs, sans pause ni transition, mais avec toujours l’obsession du temps : « clockwork for oracles II ». Les titres, discrets, martèlent les questionnements qui traversent l’œuvre d’Ugo Rondinone, oracles prophétiques qu’il revient à chacun d’interpréter. Lorsque la vingt-quatrième heure apparaît, on est surpris par cette dernière ampoule qui vient clore ou éclore. A ses côtés, une grande toile, spectacle enivrant d’une constellation, titrée par une date, enracine notre regard dans la confrontation angoissante entre, d’un côté, le temps et l’espace infini de l’univers et, de l’autre, celui concentré et fuyant de notre existence.

Ce catalogue de 400 pages nous immerge ainsi progressivement dans l’œuvre d’Ugo Rondinone, complexe et faussement diffuse : tout est lié, les échos se multiplient sans qu’il soit nécessaire de les nommer, de les chapitrer, de les expliciter. Les fenêtres restent closes pour que les regards les traversent. Ugo Rondinone est avare en paroles, en confidences, il reste isolé dans ses pensées et les textes théoriques, courts et rélégués en toute fin, auraient tout aussi bien pu ne pas y être. Les pierres posées au sol sont bien plus bavardes, mêlées à cet étrange défilé de figures gentiment monstrueuses, à ces géants souriants, fils du soleil accouplé au mouvement.