Ulice Deborne réactive sa petite fabrique de patrons à la galerie

Dans le sous sol, main d’œuvre discrète pour ne pas dire secrète s’active une couturière. Mais elle ne coud pas des vêtements, elle fabrique des patrons à la demande ! Retournement du processus de création, ce travail qui consiste à faire coudre en papier transparent la forme d’un vêtement est en fait un réel processus de recréation.

Ulice Deborne en effet intervient sur le papier à partir d’éléments visuels ou textuels apportés par le commanditaire. En inscrivant sur le papier transparent ces signes, ces figures ou ces formes il compose non tant un motif ou une décoration qu’il ne donne une réalité à nos rêves.
Élément lié au corps puisqu’il en est à la fois la forme et le contenant, le vêtement quel qu’il soit devient ici le support voire le miroir de la part cachée de chacun. Plus encore, il est comme tableau plus qu’un tableau. Il devient une sorte d’objet métonymique de la vie intérieure. En d’autres termes en rendant visible la part d’image et de textes qui nous hantent, nous constituent et nous font être, ces œuvres accrochées au plafond de la galerie font comme une oeuvre à la fois absolument populaire comme si on montrait le linge qu’on accroche au fenêtre l’été pour le faire sécher et absolument artistique si l’on se souvient qu’à la Renaissance on exposait les toiles accrochées dans la rue.

Cet entrelacs de plusieurs dimensions, celle du travail, celle de l’art, celle du corps et celle de la conscience de soi font de cette œuvre accompagnée d’une vidéo édifiante, un moment fort, à ne pas rater.

Si vous passez par la galerie, vous pourrez aussi y trouver des tracts rédigés par Jacinto Lagera, Jens Emil Sennewald, Jean Louis Poitevin tracts dont la fonction est de montrer comment cette opération artistique, est aussi une opération de marketing intellectuel et humoristique. Mais commençons par un florilège de définitions du mot Patronréuni par Jean Charles Agboton-Jumeau à partir du Littré.

 ? PATRON, ONNE [pa-tron, tro-n’] s. m. et f.
1° Terme d’antiquité. Chez les Romains, le maître à l’égard de l’affranchi, le protecteur à l’égard du client. ® Sous les noms séduisants de patrons et de pères Ils [les patriciens de Rome] affectent des rois les démarches altières, VOLT., Brutus, I, 4 ® Cette admirable institution des patrons et des clients fut un chef-d’oeuvre de politique et d’humanité, J. J. ROUSS., Contr. soc. IV, 4
S’est dit, sous les empereurs romains, des citoyens qui faisaient métier de plaider devant les tribunaux.

2° Celui, celle qui sert de protection, d’appui ; celui, celle qui s’intéresse à notre fortune et qui cherche à la pousser. ® La cour fit une peur épouvantable à Mme de Montbazon, qu’on savait être la patronne de la Boulaye, RETZ, III, 28 ® Il s’était porté pour patron des Irlandais opprimés, HAMILT., Gramm. 9 ® D’ailleurs ne dit-on pas : telles gens, tel patron ; Et dès que je le sers, peut-il être un poltron ?, PIRON, Métrom. IV, 1 ® David Hume, étroitement lié à Paris avec vos messieurs, sans oublier les dames, devient, on ne sait comment, le patron, le zélé protecteur, le bienfaiteur à toute outrance de Jean-Jacques, J. J. ROUSS., 2e dial. ® Un eunuque au front noir est le patron d’Athènes [avant l’indépendance], P. LEBRUN, Voy. de Grèce, III, 5

3° Saint, sainte, dont on porte le nom. ® C’est le jour de mon saint patron que je vous écris, BOSSUET, Lett. abb. 32 ® Quel moyen de s’appeler Pierre, Jean, Jacques, comme le marchand ou le laboureur ?… qu’elle [la multitude] s’approprie les douze apôtres, leurs disciples, les premiers martyrs (telles gens, tels patrons)…. pour nous autres grands, ayons retours aux noms profanes…., LA BRUY., IX
Saint, sainte, à qui une église est dédiée ou qui protège particulièrement une ville, un pays, etc. Notre-Dame de Bon Secours, patronne des mariniers. Saint Denis, patron de la France. Sainte Geneviève, la patronne de Paris. ® Cette opinion [que les Moscovites n’avaient pu être vaincus que par un pouvoir surnaturel] fut si générale, que l’on ordonna à ce sujet des prières publiques à saint Nicolas, patron de la Moscovie, VOLT., Charles XII, 2 ® Le moine Lazare, digne de devenir le patron des peintres, CHATEAUB., Génie, III, I, 3
Fig. Personnage sous qui on se met, bien qu’il ne soit pas un saint. ® Job, un de mes patrons, dit que l’homme est né pour travailler, comme l’oiseau pour voler, VOLT., Lett. d’Argence, 3 août 1770 ® Et mon patron à moi, c’est le joyeux Chapelle, COLLIN D’HARLEV., Artistes, I, 3
Fig. Il se dit aussi de celui qui donne crédit, autorité à quelque chose. ® Je porte une infinité de remèdes bons ou mauvais…. il n’y en a pas un qui n’ait son patron et qui ne soit la médecine de mes voisins, SÉV., 6 sept. 1675

4° Familièrement. Le maître d’une maison. ® Où est le patron ? La fortune cruelle A ramené des champs le patron de la belle, MOL., École des f. III, 4
On dit dans le même sens : le patron de la case ; ce qui s’applique aussi à un homme qui, sans être le maître d’une maison, y a tout pouvoir. ® Le Génois, qui devint à son tour le patron de la case, LE SAGE, Guzm. d’Alf. I, 4 ® Sur les deux ou trois cents invités, il n’en est aucun qui n’ait un rôle à jouer pour les patrons de la case, les plus francs égoïstes que le siècle ait créés, MUSSET-PATHAY, Contes histor. p. 58

5° Dans l’industrie, nom que les ouvriers donnent au maître de l’établissement. Le patron est sorti. Querelles des ouvriers avec les patrons.

6° Patron se dit aussi, par manière de qualification amicale, à un homme d’un rang inférieur. Bonjour, patron.

7° Terme de marine. Patron d’une chaloupe, quartier-maître ou contre-maître chargé du commandement d’une embarcation.
Anciennement, patron de galère, homme pratique qui conduisait la galère et en était le capitaine marin, sous l’autorité du capitaine militaire. ® Je suis empereur, lui dit-il [Théophile à sa femme Théodora], et vous me faites patron de galère, MONTESQ., Esp. XX, 19
Dans l’ancienne Venise, patron du port, plébéien qui dirigeait les affaires du port. ® Votre prédécesseur, mais non pas votre égal, Me fit patron du port et chef de l’arsenal, C. DELAV., Mar. Fal. I, 8
Fig. Il est le patron de la barque, c’est-à-dire c’est lui qui a le plus de crédit dans une société, dans une affaire, etc.

8° Galère patronne, ou, simplement, la patronne, galère que, dans l’escadre des navires de son espèce, montait le lieutenant général ou celui qui avait le commandement après le chef d’escadre ; elle avait le second rang, la réale ayant le premier ; elle tenait entre les galères le même rang que le vice-amiral entre les vaisseaux de haut bord. La patronne n’était que la troisième galère des États maritimes qui avaient une capitane, outre la réale.

9° Titre d’une dignité princière, dans quelques villes, au moyen âge. Patron de Salonique.

10° Dans le Levant, le maître à l’égard de l’esclave. Réduit en esclavage, il eut le bonheur d’avoir pour patron un homme compatissant.

11° Autrefois, le prélat ou le seigneur laïque qui nommait à un bénéfice. ® Le roi est patron de toutes les églises cathédrales et collégiales, des abbayes et des monastères, s’il n’y a point de titre au contraire, FEVET, De l’abus, ch. 8, dans RICHELET
Patron d’une église, celui qui avait bâti, fondé ou doté une église.

12° Cardinal patron s’est dit, à la cour de Rome, du cardinal qui gouvernait comme premier ministre.

13° Nom qu’on a d’abord donné à la giberne. On disait aussi la patronne (c’est de là que cartouche se dit en allemand Patrone).

14° Patron des maréchaux et des charbonniers, la mésange charbonnière.

HISTORIQUE

XIIIe s. ® …. E ne seit patrun à cele iglise se reis nun, Édouard le confesseur, V. 2424 ® Uns patrons franchi son serf, porce qu’il remaindroit à lui servir, et cil par male tricherie ne le vost [voulut] servir, Liv. de just. 115

XIVe s. ® Or ont il leur patron, or ont il leur seigneur, Girart de Ross. V. 2651 ® C’est l’estoile qui par mer me conduist ; C’est la nasselle Forte, seüre et plaine de deduit ; C’est li patrons qui me gouverne et duit ; C’est l’aviron qui de mer fent le bruit, MACHAUT, p. 128 ® Les bestes ont ce sens de parfaictement amer et estre privées de leurs patrons et bienfaisans, Ménagier, I, 5

XVe s. ® Maistre Alphonse Vietat, souverain patron et maistre de toutes les navires et gallées de Portugal, FROISS., liv. III, p. 109, dans LACURNE ® L’evesque de Lisieux disoit estre patron de l’escole de la ville de Touques, DELILLE, Agricult. norm. p. 177

XVIe s. ® L’un de ceux qui suivirent Evander en Italie s’appelloit Patron, lequel, estant homme secourable et qui supportoit les pauvres et petits, donna son nom à cest office d’humanité, AMYOT, Rom. 19 ® Comme les patrons des galeres et pilotes voulussent laisser les voiles, il leur commanda qu’ilz les chargeassent, AMYOT, Anton. 83 ® Ils furent suivis de si près, que la patronne du capitaine Jonas fut investie et prise par les ennemis, M. DU BELLAY, 154

ÉTYMOLOGIE
Provenç. patron, patro, et aussi pairon, pairo ; catal. padró, patró ; espagn. patron ; ital. padrone ; du lat. patronus, patron, protecteur, dérivé de pater, père.

Jean Charles Agboton-Jumeau
Critique d’art

MENTAL

À l’heure où le seul fonctionnement quantitatif et quantifiable du travail propre au néolibéralisme est devenu le modèle de toute forme d’échange entre les citoyens, les oeuvres d’art apparaissent comme le dernier bastion qui résiste. La différence fondamentale tient à ce que les oeuvres d¹art sont elles aussi du travail, mais immatériel. Concevoir, réaliser, montrer et diffuser sont des opérations concrètes, nécessitant du temps, une force de travail intellectuel et physique dont les finalités sont pourtant inquantifiables en tant que signification artistique. La disparition corporelle des travailleurs au profit des technologies, des biens, de la marchandise, mais aussi et surtout au profit ­ ce qui est littéralement le cas ­ des patrons et des propriétaires du capital, situation qui n’a fait que se renforcer, atteste paradoxalement de leur présence par la négative. Aussi, Ulice Deborne vous propose une petite fabrique du grand Immatériel.
Jacinto Lageira

MENTAL

La responsabilité de nos gestes

geste ­ (<*15.Jh., Form 18. Jh.). subst. masc. Mouvement extérieur du corps (ou de l’une de ses parties), perçu comme exprimant une manière d’être ou de faire (de quelqu’un). Empr. au lat. gestus « attitude, mouvement du corps, geste » ; subst. fem. L’ensemble de sa conduite telle qu’elle se donne à voir. « Nous parlions ce soir, Valette et moi, de ce mouvement de gratter leur drap avec les mains qu’ont tous les moribonds, ou presque tous. Je lui disais que les animaux font de même, au moins les chiens et les chats, dont j’ai vu mourir un grand nombre. Un chien, un chat, à la minute de la mort, s’ils sont sur le sol d’un jardin, grattent le sol de leurs pattes de devant, s’ils sont sur le sol d’un jardin, grattent le parquet, s’ils sont sur un lit, grattent l’étoffe sur laquelle ils sont. Que signifie ce geste, ce mouvement, qu’ont ainsi les humains et les animaux ? Il a sûrement la même origine animale, purement instinctive. » (Paul Léautaud)
« Le monde est l’écriture d’un autre jamais entièrement déchiffrable ; seule l’existence le déchiffre. » (Karl Jaspers)

Le monde, tel qu’il nous apparaît visuellement, est le produit de nos gestes. Comme le coup de pinceau du peintre, qui à partir d¹un geste tente de reproduire sur la toile un élément re-connaissable, nos images du monde sont habitées par les gestes. Or, sommes-nous des auteurs réellement autonomes de ce qui nous apparaît comme nos propres actes souverains ? A quels fils nos gestes et nos actes sont-ils suspendus ? A une époque où les grandes narrations sont en crise et « l’homme flexible » semble être de plus en plus dépourvu de liens, dans une société où les possibilités d¹action sont devenues incertaines et les champs sociaux fluctuants, cette question relève d’une certaine urgence. En effet, si l¹acte créatif et intellectuel doit beaucoup aux gestes individuels et à une personnalité, ceux-ci se forment par un travail dans lequel d¹autres gestes intellectuels et artistiques sont parties prenantes. La main d¹un individu est le produit d¹un Gestus, d¹une configuration sociohistorique des formes symboliques. La forme structurante des relations entre le geste individuel et le Gestus va alors encadrer l¹image elle-même, qui va pouvoir être reconnue à partir de cette relation. C¹est le geste lui-même qui nous permet d¹observer le Gestus, l’image produite par le geste devenant alors une icône. En d¹autres termes, le Gestus pré-existe au geste et le structure tandis que l¹icône le donne à voir dans une forme finie. Ces deux éléments participent à la formation des représentations du monde d¹un individu. Du Being John Malkovich d¹un Spike Jonze au This is not a time for dreaming d¹un Pierre Huyghe, c¹est la figure de la marionnette qui est revenu sur le devant de la scène. Elle soulève la question du « libre arbitre » et de la responsabilité de nos gestes. Qui, finalement, tire les fils structurant nos gestes en d¹autres termes, sommes-nous des marionnettes ou des marionnettistes ?
J. Emil Sennewald
http://weiswald.com

MENTAL

Bonjour à toi passante !

Bonjour à toi passant !

C’est une demande spéciale que je te fais, à toi citoyen consommateur. « La petite fabrique de Patrons » vient de s’installer ici, 27 rue de la forge royale 75011 du mercredi 24 mars au 03 avril. Tu peux t’y faire faire un patron à partir d¹un de tes vêtements.

Apporte quelques images qui te concernent et quelques textes ou phrases qui te touchent.

Le patron de la petite fabrique, génie artistique de son état, s’engage à en tirer ton portrait (Gros et détail possible)

Il sera digne des fantômes inconnus qui hantent les caves de ton esprit et les greniers de tes rêves.

Chaussettes : pour courir en été

Culotte : pour séduire sans faim

Slip : pour rassurer avant l¹action

Short : pour se faire suer en hiver

Chemise : pour se déshabiller en privé

Veste : pour sortir en catimini

Manteau : pour s’exhiber sans crainte dans les rues

Patron intégral (prix spécial) : pour cérémonie officiellement vicieuse.