Georges Janclos (1933-1997) après des études à l’Ecole des Beaux Arts de Paris a été récompensé par le Prix de Rome en 1959. Sculpteur il est surtout reconnu pour son travail de la terre grâce auquel il créé de petites figurines humaines d’une grande douceur. Il parle de son travail comme d’un « journal de terre qui ponctue toute son existence ». L’expérience humaine à la base de son travail est celle d’un jeune juif né Jankelowitsch dont la famille subit les persécutions nazies. Comme l’écrivait Tzvetan Todorov « Jeanclos réagira à cette expérience fondatrice : non en se renfermant dans son propre vécu, mais en s’ouvrant à l’universel, en se mettant à l’écoute de toutes les souffrances, passées et présentes ; non en représentant l’horreur, mais en trouvant en lui la force pour créer la beauté. »
C’est cette beauté tranquille que l’on retrouvera dans une de ses séries les plus reconnues celle des Dormeurs. Il connaitra aussi une reconnaissance institutionnelle se manifestant notamment par la commande d’état pour l’Hommage à Jean Moulin installé à Paris en 1983 et 10 ans plus tard par la création du portail de la cathédrale de Lille.
Il est aussi l’auteur d’un monument visitable seulement deux fois par an au moment de la commémoration de la journée de la déportation en avril et en juillet date anniversaire du massacre. Celui ci a été perpétré sur le site du Polygone au sud de Bourges, terrain militaire depuis 1870 consacré à des essais de tirs. Sur l’emplacement de l’ancienne ferme du Guérry se trouvent deux puits.
En juin 1944 le préfet de la région ayant été arrêté par les nazis, c’est un milicien qui s’autoproclame sous préfet, avec l’accord de l’occupant allemand. Il retrouve des listes de juifs résidant dans la région dont le recensement avait été fait dès 1942 mais non transmis à l’occupant. Ceux ci sont immédiatement incarcérés à la prison de la ville. Un soir de juillet 28 hommes en seront extraits par un commando composé de membres de la Gestapo et de miliciens. 6 par 6 ils sont jetés vivant dans l’un des puits, puis recouverts de terre et de ciment. Un seul d’entre eux réussit à s’échapper et se trouve recueilli par un Juste des environs.
Deux jours plus tard 8 femmes et deux autres hommes subiront le même sort, l’une d’elle aura même les mains coupées avant d’être précipitée dans le second puits. Grâce au survivant le crime sera connu dès la libération. Deux jours après ce massacre la Gestapo quitte la région ainsi que leurs complices de la milice de Vichy devant l’avancée des troupes alliées qui ont débarqué en Normandie.
L’oncle et la tante de Georges Janclos , Pierre et Fanny Jankelowitsch furent victimes de ce sort inhumain. C’est pourquoi c’est lui qui en 1994 a créé sur place le monument qui entoure la plaque apposée dès la Libération. A son habitude il a créé deux sculptures de terre qu’on a pu voir au Palais Jacques Coeur lors de l’exposition rétrospective de 2017 organisée par la galerie Capazza. Elles ont servi de prototype à leur réalisation en cuivre. Elles reprennent la structure de son hymne à la Résistance en la personne de Moulin composé de stèles couronnées de figures.
Ces deux colonnes sont sensés évoquer les rouleaux de la Torah, à leur sommet un extrait du Kaddish la prière des morts est surplombé par un enchevêtrement de corps. A gauche est évoquée la chute infernale tandis qu’à droite les corps se trouvent partie prenante d’une renaissance. On retrouve dans ce monument ses personnages éternels, aux visages lisses. La répartition entre ces deux temps semble justifier ce qu’en écrivait Todorov elles « révèlent à la fois l’insigne faiblesse de notre personne et la force irréductible de notre amour. »