Démosthène Agrafiotis publie aux Presses du réel dans la collection Al Dante études, un essai qu’il intitule modestement « Prolégomènes à une histoire de la performance en Grèce ». En effet celui ci s’appuie principalement sur son expérience dans ce domaine dont il est un des acteurs primordiaux , en complément à son approche théorique il y fait référence également à des évènements collectifs qui ont marqué cet art novateur en relation aux problèmes traversés par son pays.
L’auteur est une personnalité très active, il est à la fois essayiste, poète, plasticien, photographe, peintre et art performer. Connu pour ses nombreuses installations et ses pratiques interméda il est aussi professeur et éditeur.
Après avoir étudié à l’École Polytechnique d’Athènes, il quitte la Grèce pour gagner l’Université du Wisconsin où il étudie le génie chimique. Dans les années 1970, il fait des allers et retours entre les États-Unis, la Grèce et la France où il suit les séminaires de Michel Foucault et de Claude Lévi-Strauss. Il y passe sa thèse sur « L’action organisée et les dimensions socio-culturelles de la technologie ».
Ses approches théoriques initiales concernent à la fois les champs artistiques et sociétaux en questionnant le rapport performances et crise grecque, pour montrer comment ces pratiques peuvent apporter des soupapes individuelles et créatives à ce qui touche son pays ces deux dernières décennies. Sur le terrain cela se concrétise par sa performance de 2014 « Crisiologi_e ».
Il n’hésite pas à narrer les circonstances biographiques à la fois urbaine et rurales de sa vocation , évoquant sa mère comme une guérisseuse très demandée et son oncle comme thérapeute du système nerveux , il relate la force de spectacles ou d’événements folkloriques qui l’ont fasciné dans sa jeunesse comme cette cérémonie des faux mariages gitans. Plus rare encore une représentation mettant en scène un jeune homme dans un rôle féminin l’impressionne ; « dans un monde d’incertitudes le corps fonctionne comme dernier refuge et comme première impulsion ».
Démosthène Agrafiotis est un artiste voyageur , en témoignent ses éditions comme « Sauver Venise » , « Monogatori II » qui relate son séjour au Japon , son « Cahier chinois » ou sa performance « Platon est arrivé en Chine » montrée à Gangzhou en 2005.
Au plan historique il fait remonter la paternité de cet art à la Pythie et au philosophe , poète et activiste social Empédocle qui est jeté dans lEtna pour s’unir au feu . Il en écrit : « La performance pourrait être alors une tentative de maintenir vivants les éléments ou les réminiscences des activités chamaniques et mythologiques » , il illustre cette théorie par une image de « Visions , V_ideas » d’Antigone Theodorou. Il n’hésite pas à mêler des performances in situ, à Venise par exemple où il incarne un éditeur humaniste du XI ème siècle Aldo Pio Manuzio tandis que son ami artiste anglais James Johnson-Perkins joue le rôle de Giorgione, à une photo électroniquement agrandie en affiche qui en témoigne . En effet « la performance explore les zones frontières des expressions artistiques ». De ce fait elle trouve refuge aussi bien dans des festivals de poésie, qu’en 2009 au sein de la 2 ème Biennale d’art contemporain de Salonique, au festival culturel universitaire de LInares au Mexique ou à des rencontres photographiques ou vidéographiques en Grèce et en Europe, révélant la diversité de son champ d’action pluri-artistique.