Rétrospective de l’œuvre d’un artiste franco-chinois de renommée internationale ayant illustré de ses eaux fortes les livres de René Char, André Malraux et Léopold Sédar Senghor.
Consécration pour cet artiste né en 1920 à Pékin et considéré aujourd’hui comme l’un des derniers grands représentants de l’ « Ecole de Paris », cette exposition présente un double intérêt : le rappel pour Zao Wou-Ki de ses filiations issues de l’art informel d’une part ; sa quête inlassable d’une identité inscrite dans le rapport aux signes et à l’œuvre toute particulière des écrivains d’autre part. On peut déplorer néanmoins le manque d’informations sur le passé chinois de l’artiste. La Chine artistique – son système des Beaux-Arts, son avant-garde à Shanghai – des années trente et quarante était largement acquise à la France et Zao Wou-Ki est aussi, à sa manière, le représentant de cette époque aujourd’hui révolue. On le comprend donc : l’objet de cette exposition n’est pas de présenter l’artiste sous un angle socio-historique mais bien d’en exalter les talents. Et ils sont nombreux ! D’abord dans sa capacité à s’initier dès son arrivée en France (1948) aux techniques de la lithographie, à sympathiser ensuite avec les peintres Alfred Manessier mais aussi Jean-Paul Riopelle, Pierre Soulages et surtout, Henri Michaux qui lui ouvre les portes des milieux mondains parisien et suisse ; fait essentiel qui est aussi à l’origine de sa découverte de la peinture de Paul Klee à Bâle, de son univers des signes qu’il tentera d’accommoder à partir de sa propre expérience faite d’une réinterprétation des écritures sigillaires héritées de l’antiquité chinoise.
Ce rapport à l’écriture est un phénomène récurrent qui caractérise l’ensemble de cette œuvre complexe en ce qu’elle regroupe toutes les tendances abstraites à forte composante gestuelle qui se sont manifestées dans le Paris de l’après-guerre. Symptomatique est le travail mené par Zao Wou-Ki aux côtés des plus grands écrivains et poètes lyriques de cette période : René Char, Philippe Jacottet, Yves Bonnefoy, François Cheng, Roger Caillois, Claude Roy mais aussi André Malraux que Picasso aimait à surnommer le « Chinois »… On admire la tension des couleurs, les effets de vide et de plein, la beauté étale de cette œuvre gravée ; étonnante respiration qui nous ramène au plus intime secret d’un homme pétrit de deux cultures textuelles : l’une chinoise, l’autre française vouant chacune un culte à la littérature. Des vidéos complètent utilement la présentation générale. L’artiste se livre à de très intéressants témoignages tant dans son appréhension de la matière que dans son rapport aux pouvoirs…Un catalogue est par ailleurs imprimé à l’occasion de cet événement. Bruno Racine en a écrit la préface. Il complète, d’une manière perspicace, la très belle rétrospective organisée en 2003 au musée du Jeu de Paume par Daniel Abadie.
Cette exposition à lieu à la bibliothèque François Mitterrand (Paris) du 3 juin au 24 août 2008. Ouverte tous les jours sauf le lundi de 10 h à 19 h. Un catalogue édité par la BNF est publié à cette occasion. On y trouvera un essai de Hélène Trespeuch qui analyse l’influence de Paul Klee sur l’œuvre de Zao Wou-Ki.