Réseau LUX, un état tonique de la création photo en France

Pour la première fois, 23 festivals et foires nationales se réunissent en tant que Réseau LUX # 1 pour exposer en même temps que Paris Photo et A pp roc he dans les 1200 m2 d’un ancien tri postal du 9e arrondissement de la Capitale. Chaque membre a installé au moins un artiste de sa programmation. Après le Réseau Diagonal un tel regroupement est essentiel aujourd’hui que les conditions économiques et les menaces idéologiques sur la création artistique en général et photographique en particulier sont inquiétantes.

Quatre professionnelles ayant déjà largement fait leurs preuves dans la défense du médium sont à la tête de ce Réseau : Sylvie Hughes, festival du Regard, Aurélia Mercadier, Photo Saint Germain, Amélie Samson Fêtart et Marion Hilsen ex-déléguée à la photographie du ministère de la Culture.

Pour mettre le lieu en perspective, nous sommes accueillis par un tirage de grand format monté en trompe-l’œil représentant un bureau de la série Administrations Normandes d’Olivier Culman présenté par Planches Contact de Deauville. Dans un souci d’égalité, chaque exposant a contribué au budget global dans une part financière en lien avec ses bénéfices, ce qui laisse la place aux plus petites initiatives.

Olivier Culman

Plutôt qu’un seul exposant, trois festivals ont choisi une monstration collective c’est le cas des Promenades Photographiques qui après avoir été créées à Vendôme par Odile Andrieu, ont immigré à Blois mais sont contraintes de déposer le bilan, bien triste nouvelle. Ici sont montrés les étudiants ayant participé au Campus. Autre petite manifestation les Nuits photographiques gérées par Alexe Liebert et Emilie Arfeuil projettent les films photo lauréats de 2024. C’est aussi le choix du plus gros et du plus ancien les Rencontres d’Arles qui projettent un best of des Nuits de l’année de juillet dernier.

Architecture et urbanisme sont illustrés par deux protagonistes. On est intéressé à retrouver Laurent Gueneau grâce aux Villes invisibles. Les responsables de la Biennale de l’Image Tangible ont décidé de rappeler qu’ils étaient aussi producteurs d’images, François Ronsiaux, Dominique Clerc et Philippe Calandre dialoguent plastiquement autour d’un bâti revisité.

Plusieurs exposants donnent des versions très personnalisées de l’intimité. Laura Lafon Cadilhac invitée par les Boutographies et Vanessa Kuzay par Phot’Aix développent des narrations au plus proche des relations humaines sensibles. Les Itinéraires des Photographes Voyageurs de Vincent Bengold exposent une installation plus mémorielle mêlant tirages noir et blanc, petits objets et écrits sous le titre de Mythes de la Maison Sans Nom réalisés par Nia Diedla. Les atmosphères brumeuses d’Aurélia Frey dans le Murmure des Égarés supposent une errance habitée d’une vraie puissance évocatoire.

Deux artistes développent une approche féministe liée au cercle familial pour la franco-algérienne Djamila Beldjoudi-Calin à travers des diptyques rapprochant mère et fille, une autre proposition de Phot’Aix. L’Ivoirienne Laetitia Ky invitée de Photoclimat prolonge ses sculptures capillaires par des traits dessinés qui mettent en lumière le combat pour la lutte contre-idéologique des femmes.

D’autres combats sont ici présents. Une des découvertes est celle du turc Olgaç Bolzap invité par les Mesnographies pour sa série de mises en scène de groupes dans ses grands formats couleurs Learning One for Another qui scénarisent diverses transmigrations. Le soutien à la création ukrainienne diffusé dans plusieurs villes nous permet de retrouver ici grâce à Circulation(s) 3 créateurs singuliers. Lisa Bukreyeva nous avertit Don’t Look at the Pain of Others, sa méthode de résilience iconique bien à elle. Maryna Brodovska suggère ses solutions propres de résistance à la situation I Joke Therefore I Am. Dima Tolkechov développe trois visions frappantes au quotidien de cette guerre d’invasion.

Olga Bolzap

Deux auteurs relèvent de la post-photographie, on retrouve avec intérêt les déjà célèbres Pictures of Junk de Vik Muniz. L’univers ironique de Robin Lopvet montré par Lectoure d’images trafiquées à partir de leur source internet est d’une grande puissance où l’humour et l’engagement sont très convaincants.

Vik Muniz

Trois installations particulièrement réussies complètent cette approche plus contemporaine encore. Nicephore + sous la direction d’Anne Eléonore Gagnon accueille les Robes d’Arina Essipowitsch. Emilia Genuardi invite pour A PPR OCH E les différentes versions des œuvres en lien à la nature de Sylvie Bonnot pour Un monde en mue. L’installation la plus originale est due à Jacopo Benassi. Ses œuvres mixtes de L’autonomie de la nature installées par Planches Contact prennent toute leur force plastique dans l’ancien coffre-fort aux murs érodés.

Arina Essipowitsch
Sylvie Bonnot
Jacopo Benassi

Cette manifestation se veut à juste titre « le laboratoire d’une nouvelle façon de concevoir un projet culturel, la mutualisation des moyens et l’addition de toutes les expertises révèlent une réelle synergie ». Elles donnent à voir dans la capitale en accès gratuit ces initiatives venues de toutes régions au service d’une création photo de haute exigence.