Pour sa première exposition dans le main space de la galerie Christophe Gaillard SMITH choisit de n’exposer que des photographies de plusieurs séries récentes qui confirment la force poétique de son univers aux marges des confluences sidérales et de l’humain. Sous l’intitulé général « DAMI » sont développées plusieurs séries complémentaires au projet précisées par un sous-titre.
Toujours soucieux de poser de solides fondements théoriques à sa démarche, en participant dès fin 2022 au Jeu de Paume à A QUEER PHOTO ARCHIVE, journée de recherche-création sous la direction de Nicola Lo Calzo, il situe la trajectoire de ses recherches dans cette logique : « spectrographies, désidération, dami : vers une esthétique de la métamorphose ».
Lauréat en 2023 de l’appel à projets de l’Observatoire de l’Espace, laboratoire culturel du Centre national d’études spatiales il est invité à créer lors d’un vol parabolique en Airbus zero-g. À l’aide d’une caméra thermique, il filme les mouvements spontanés de son corps lors de ce vol alternant périodes d’impesanteur et d’hypergravité. C’est le début de la série DAMI. Le langage corporel ici développé nous transporte en même temps dans un univers céleste.
D’un point de vue technique, on est confronté face à l’entrée du premier espace de la galerie à un autoportrait à la caméra thermique traversé par une sculpture de néon série DAMI (PHOTINO) qui l’éclaire partiellement tout en laissant se préfigurer des relations internes au corps.
Dans cette première pièce le néon est utilisé encore différemment pour une sculpture de lettres lumineuses formant enseigne. On peut y lire une formule issue de l’Adoration de Jean-Luc Nancy (2010) « ICI GRAND OUVERT ». Ce livre hommage au lointain tente une déconstruction de la spiritualité qui annonce une mutation des cultures. L’artiste revendique pareillement avec cette œuvre de DAMI (SIGNES) cette « transcendance du monde dans sa propre immanence ».
Si cette exposition dans ses différents aspects développe avec la même ambition philosophique et esthétique le projet indisciplinaire, le recentrement sur ses différentes pratiques photographiques manifeste après la vidéo un univers toujours aussi rêveur, mais beaucoup plus apaisé.
La série DAMI (TRAVELOGUE) reprend la production quotidienne d’images réalisées au smartphone en quête des manifestations du cosmique et de l’extatique que l’artiste distingue dans le chaos du monde. Elles rejoignent le flux de ces visions déjouant la banalité de l’univers qu’il traque depuis Löyly.
L’expérience du voyage est à la base du double protocole mis en œuvre dans la série DAMI (LES MAÎTRESSES) présentée en début d’année dans Mauvaises herbes ! Exposition collective du CPIF dans un commissariat de Luce Lebart et Nathalie Giraudeau. Dans un premier temps des pellicules argentiques sont altérées par la soumission aux rayons X lors des passages répétés dans les portails douaniers. En résidence dans l’Amazonie péruvienne dans le cadre de ses expériences de modifications internes du corps par des implants et autres substances SMITH ingère des plantes dites Maitresses qui altèrent la vision pour le faire accéder à d’autres perceptions du monde.
Retrouvant les potentiels imaginaires de la caméra thermique, la série DAMI (FULMEN) rejoue grâce au lux chromique les liens r réactivés entre corps et paysage développant des états de conscience différentiés.
La force du projet artistique de SMITH se tient dans une mixité de pratiques relevant autant de technologies spirituelles (la transe cognitive, la méditation, la médecine amazonienne), que d’états corporels interstitiels auxquels s‘ajoutent des hybridations volontaires (implants cutanés de divers types de matériaux) pour conter autrement notre rapport au tout-autre, à l’au-delà, à ce qui nous traverse, nous échappe.
Rénovant les gender studies, aussi bien que les langages audiovisuels et les disciplines traditionnelles de l’art, SMITH se préoccupe autant du care non seulement individuel mais à l’égard du destin du monde terrestre et céleste. Il interroge avec une grande générosité le rapport au vivant, à l’espace, et plus généralement à l’humanité.
SMITH
DAMI
Exposition du 9 novembre 2024 - 18 janvier 2025
Galerie Chrisophe Gaillard
5 rue Chapon, 75003 Paris
Le site de la galerie