La photographie : de l’Histoire aux histoires

L’idée d’origine de l’exposition est au contexte de l’invention de la photographie par Nicéphore Niépce. Le photographe Thierry Cardon met en « lumière » sa concomitance avec la naissance du ballet romantique et la parution en 1831 du Chef-d’œuvre inconnu de Balzac.

Dans une scénographie inspirée, il entraîne le spectateur comme acteur d’une sorte de ballet d’images à la poursuite d’une ballerine entrevue dansant le rapport aux quatre éléments.

En associations libres s’appuyant sur une érudition rigoureuse, il nous mène à manipuler des machines reconstituées et réinventées à la fois, pour saisir la silhouette tournoyante qui s’accélère, négatifs qui disparaissent et renaissent positifs dans l’éblouissement de son tourbillon.

Balzac se faisant daguerréotyper par Nadar avait imaginé que « chaque corps dans la nature se trouve composé de séries de spectres, en couches superposées à l’infini ». C’est à une représentation de magie blanche que nous convie Thierry Cardon (qui entre autres a travaillé pour la Maison de la magie de Robert Houdin à Blois). Il est comme un prestidigitateur qui fait croire au spectateur éberlué que c’est lui qui fait surgir la carte qu’il a choisie dans sa tête. 

Après une lanterne magique, nous animons entre autres un zootrope qui évoque le ballet de La Sylphide (1832). 

Évocation ? De même que l’Histoire se mêle, s’emmêle intimement avec les histoires des héros de Balzac qui poursuivent l’Absolu et s’y perdent, l’évocation tourne à l’invocation comme le ferait un spirite maître des illusions qui nous persuade que la jeune fille est là, à portée de notre regard et s’échappant aussitôt avec grâce.

Épreuves photographiques reflétées sur un miroir fendu ou sur cadres métalliques dans une structure fantastique encore agitée par le vent de notre imagination, cyanotypes sur verres et sur papiers, film projeté comme dans une chambre noire de photographe, nous voici nous-mêmes pris comme phosphographe (nom premier du photographe) qui « obtient la fulgurante lumière en pactisant avec l’ombre ». 

L’alchimie semble aboutir, comme celle qui transmue les vils métaux en or, mais c’est encore une erreur, ce n’est que la persistance rétinienne qui nous joue des tours et nous rappelle que ce que nous prenions pour le réel est le fruit de nos désirs secrets. 

Comme l’écrit Balzac dans Le chef-d’œuvre inconnu : « La mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer. Tu n’es pas vil copiste mais un poète ». La photographie se révèle (le terme est choisi) réinvention poétique du monde, réécriture de la lumière, de l’espace et du temps.

Thierry Cardon
La fabrique de l’absolu 
Musée Balzac Château de Saché (Indre-et-Loire)
20/04/2024 > 02/11/2024
Informations pratiques et vues de l'exposition sur le site du musée
Le site de Thierry Cardon