« A distances » est une exposition rendant compte d’une collaboration entre des étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles et de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, entre deux villes, entre photographie et littérature.
Accueilli par le CPIF (centre Photographique d’Ile-de-France), ce projet pédagogique n’a rien à envier à nos habituelles expositions d’art contemporain, il déploie dans toute leur singularité et dans toute leur maturité des propositions tissées depuis deux ans par 6 groupes de travail formés chacun par deux ou trois étudiants. Et si « expérimental » est néanmoins le mot qui revient dans les présentations des commissaires et tuteurs du projet, Muriel Toulemonde, Paul Pouvreau et David Gauthier, c’est pour rendre compte du champ exploratoire de la démarche, soit le croisement entre image et texte.
En effet, la réflexion s’est non seulement portée sur la teneur artistiques des projets mais aussi sur la conception elle-même du texte et de l’image. D’une part, les textes sont pensés par rapport à des typologies : la lettre chez Sara Rejeb et Edouard Beau, le générique de film chez Damien Blanchard et Benjamin Roulet-Decante, l’affiche chez Charlotte Morse-Fontier et Oscar Dumas, le document chez Laurie Dall’Ava, Alexis Joan-Grangé, Paul Ruellan, la confidence chez Valérian Bayo-Rahona et Marion Chérot, l’hypertexte chez Laura Caraballo et Julia Milward, le fragment chez Jessica herbo et Rémi Warret et enfin le souvenir chez Renaud Duval et Eva Déront. Tous ces textes sont ainsi compris non comme littérature autonome mais par rapport à une contextualisation, au gré de leurs diverses possibles fonctionnalités, non point dans le sens du degré zéro de Barthes – qui pour autant écrivit sur la photographie et la littérature – mais dans leur devenir-image. Devenir-image du texte, qui passe au-delà de la notion de représentation pour questionner sa position dans un agencement, sa polarisation dans un espace particulier.
D’autre part, la photographie échappe à la clôture du sens que lui propose habituellement la légende pour rentrer dans un jeu de dissonances et de résonances avec les éléments textuels. Altercations, disjonctions ou accords mélodiques de l’un avec l’autre, ce sont des bribes de significations qui viennent ainsi s’accrocher au regard, éparpillées au fil de son parcours, dans le flux de la conscience, dans son flot, un souffle, « ritournelle » dirait Félix Guattari. La qualification de « surréaliste » par les commissaires vient alors tout naturellement prendre sa place. Devenir-image du texte et devenir-linéarité de l’image, telle est l’articulation qui fonde ce que nous pourrions appeler des dispositifs artistiques.
Mais, bien loin des dispositifs d’exposition où les œuvres interagissent les unes avec les autres dans le maillon discursif d’une thématique, ces dispositifs-là se constituent dans une circulation libre du texte et de l’image. Ils apparaissent comme la forme fragile et éphémère du collectif, de la mise en lien, d’un espace commun de pensée qui fait de cette expérience pédagogique la possible capacité d’indépendance et pourquoi pas de résistance, face à la crise actuelle qui traverse l’éducation artistique. A distances est bien celle de l’intersticiel – entre deux institutions -, distance qui s’affirme dans une plénitude, celle du « je » ?