Action Planning #3 – Interludes

Samedi 2 octobre, on pouvait assister à « Action Planning #3 – Interludes », une soirée de projections de vidéos organisée dans le cadre de deux manifestations officielles, soit « Nuit blanche » et l’année croisée France-Russie. Dans la cour de la mairie du 11e arrondissement, bâtiment Second Empire très ornementé, trois écrans suspendus montraient des actions humaines, paradoxales, inattendues voire improbables se déroulant dans des lieux délimités, dans des contextes urbains, des architectures de banlieue, des monuments ou encore des morceaux de forêt.

Une œuvre de Damien Berthier Jour de Paye, ouvre le bal et fonctionne comme une sorte d’enseigne pour le dispositif vidéo situé dans la cour. Il y règne une ambiance décontractée. Deux surfaces se croisent. Elles ont été déroulées façon « tapis rouge » jusqu’à former une croix et sur trois des côtés elles se terminent par de grands cylindres sur lesquels il est possible de s’asseoir. Les tranches de ces cylindres, laissées à nu, trahissent la nature du matériau. Ce sont de larges rouleaux de papier bulles. Les sols sont quant à eux faits d’un linoléum qui reprend les motifs des parquets de la mairie. Des lampes dépareillées apportent une lumière chaude, celle d’un intérieur un peu suranné. La scénographie de FREAKS freearchitects fait de ce « non lieu » une sorte d’agora. On est assis autour d’un espace central vide et derrière notre dos ou devant nous, on voit les projections des vidéos réalisées par de jeunes artistes français et russes.

Trois écrans se partagent le programme. Sur l’écran de droite, la vidéo de Jérôme Gras, Punition : dans une forêt, assis contre un arbre, un clown s’assène de violents coups d’un instrument qui ressemble à une massue. Dans la vidéo de Vika Begalska, Nutcrackers, de jeunes soldats postés devant le Kremlin doivent se tenir immobiles. Leurs paupières vacillent et clignent au rythme de trois extraits musicaux de Casse Noisette, le ballet de Tchaïkovski, plaquant une ambiance tragi-comique sur ces jeunes visages résignés. A New-York, Michel de Broin met en circulation et filme une Buick, techniquement « customisée », qui fonctionne avec un pédalier actionné par les passagers.

Sur l’écran central, on voit notamment la vidéo Stairway de Vladimir Smirnov-Lilo. Tournée dans la célèbre Maison de la Culture de Saint-Pétersbourg détruite en 2005, cette vidéo montre des danseurs qui évoluent entre les étages. Toujours en Russie, Veronika Rudyeva-Ryazantseva montre dans sa vidéo Purification by snow une vieille dame qui nettoie méticuleusement, laborieusement, un tapis dans la neige. Sur le dernier écran, enfin, quatre séquences de Florent Mattéi. On y voit tour à tour quatre adolescents, deux garçons et deux filles qui, face à la caméra, dansent et chantent en play back sur des tubes qu’ils vénèrent. À des carrefours, sur des avenues parisiennes bien connues, Ivan Argote filme des gens qui se retournent, ayant tous le même air interrogateur et presque inquiet. Mais nous ignorons la raison qui les pousse à se retourner et à nous faire face. L’absence de son ne nous permet pas plus de deviner de quoi il s’agit.
La vidéo de Frédéric Nakache projetée sur l’écran du centre, Interludes romantiques, donne son titre à l’ensemble. Régulièrement insérés entre les autres vidéos, comme un leitmotiv, des personnages en 3D, d’allure semblable, apparaissent l’espace de quelques instants. Ils se tiennent au centre de l’écran, de dos, face à différents paysages, dans cette posture un peu flottante qui caractérise les avatars de Second Life. Ils regardent des paysages fantasmés, comme eux.

Il y avait aussi des vidéos de Neven Allanic, Damien Berthier, Anna Byskov, Gabriel Desplanque, Ilya Gaponov, Perrine Garassus, Anna Kolosova, David Lasnier, Pied la Biche, Masha Sha, Julien Sirjacq et Andrey Syaylev. L’ensemble a non seulement permis de découvrir des artistes inconnus en France mais de faire un peu le point sur certaines tendances dans la vidéo actuelle.

Cette manifestation a eu deux prodromes, à « Angle art contemporain », galerie située à Saint-Paul-Trois-Châteaux dans la Drôme et en Russie, dans le grand centre d’art « Winzavod » à Moscou. La programmation y était sensiblement différente, mais l’ambition restait la même, montrer que dans des mondes distincts certaines préoccupations étaient semblables, en particulier tout ce qui conduit à s’interroger sur nos croyances en la puissance de résistance des individus aux forces contradictoires qui les traversent.