Amilly une ouverture attendue

Alors que beaucoup de régions en France voient des fermetures de lieux artistiques ou de festivals la région Centre fait exception. La ville d’Orléans a inauguré avant l’été le Labo, un lieu pour les nouvelles technologies qui accueille actuellement une exposition des jeunes designers diplômés de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design. Le Transpalette à Bourges vient de rouvrir le 8 octobre et la ville d’Amilly réalise enfin son centre d’art les Tanneries, en préfiguration avec l’association AGARTqui a produit plus de 80 expositions depuis seize ans Cette immense bâtisse a été rénovée par l’architecte Bruno Gaudin pour mettre ses 3 000 m2 au service de l’art contemporain.

L’ambition du titre de l’exposition de l’étage Histoire des formes constitue une base pour confronter trois générations d’artistes à partir des questions réactivées du minimalisme, de la ligne et du plan à l’aune du monochrome. Chacun des 25 artistes n’est représenté que par une seule ou deux œuvres, mais le dialogue entre elles reste fécond. La sculpture y est représentée par Donald judd dont les Chaises du FRAC Nord Pas de Calais semblent susciter leur version collective avec le Circo Minimo d’Olivier Vadrot. Elisabeth Ballet organise sur la partie terrasse un de ses habituels dialogues avec l’architecture et le paysage environnant suscitant une déambulation ludique.

La performance est présente avec une vidéo quelque peu simpliste de colombien Ivan Argote, mais surtout avec les subtiles carnets de dessins de Marianne Mispelaëre.

Pour les peintre il est agréable de découvrir les toiles trop peu connues en France d’Anna –Eva Bergman, comme de retrouver les équations retraçant les duels de formes de François Morellet. Parmi les plus jeunes auteurs Adrien Couvrat fait vibrer nos perceptions colorées tandis que la révélation de cet ensemble, Claire Chesnier nous entraîne dans un voyage sensuel au sein de la matière aquarellée.

Au rez de chaussée la sélection de l’Agart, animée par Sylvie Turpin et Patricia Reufflet en préfiguration de cette ouverture, se joue des accords grammaticaux pour envisager L’œuvre aux singuliers . Il s’agit de montrer comment l’exposition dans son ensemble peut faire œuvre à partir d’artistes actifs depuis les années 1970 qui affirment leur singularité en partageant des préoccupations similaires. Ce titre peut aussi encourager l’attitude du spectateur à ne s’attacher qu’à la singulière existence de chaque œuvre face à son regard.

S’il y a peu de surprise à retrouver Viallat avec des œuvres certes significatives de son système, il est toujours intéressant de voir comment le protocole de François Rouan se précise entre ses peintures tressées à la colle des années 1970 et sa récente série de Trotteuse(s) . L’exposition nous démontre aussi l’évolution de Jan Voss des assemblages sculpturaux bruts des années 1990 vers leur venue au mur des Lieux-dits de 2012 jusqu’à gagner L’empire des rêves l’an dernier en acrylique et collage sur toile.

L’un des dialogues les plus féconds oppose les assemblages de bois de Jean-Pierre Pincemin, plus soucieux de la forme globale que ceux de Voss, avec les imposantes figures sculptées en bronze et fonte de fer du regretté Erik Dietman. Les deux artistes aiment nommer leur sculpture, souvent en lien à une énergie animale : les compositions du premier gardent des formes primitives tandis que les lourdes figures du second collent plus à des représentations figuratives. Dietman ne manque pas de se prêter à ses provocations drôlatiques, ainsi L’ours au profil sympathique se révèle double doté d’un arrière train qui n’est qu’un grimaçant masque de mort.

Au carrefour de ces deux préoccupations, jouant d’une suggestion du volume, d’une picturalité réactivée et obligeant le spectateur à une attitude participative, l’une des œuvres les plus singulières de cet ensemble demeure les bifaces de Christian Bonnefoi réalisé en acrylique sur trévira, une fibre de polyester translucide. Parfaitement installées dans le grand hall de l’ancienne usine elles profitent pleinement des lumières naturelles pour affirmer leur plénitude dans un effet de transparence et un subtile jeu de positif /négatif.