Le ciel était gris ce jour là. Les ardoises bleu sombre s’éclairaient de la lumière verte particulière du parc et Chambord, la majestueuse, se dressait fière sous la pluie battante. Nous marchions lentement, recueillement. Georges Rousse, artiste français avait été choisi pour être le premier artiste à vivre en résidence pendant trois mois dans la célèbre demeure Renaissance. Le fruit de son travail, sortie de résidence, est exposé au public jusqu’au 20 mai 2012…dans de nouvelles salles du château ouverte à cette occasion pour certaines, la première fois au public…Photographe-plasticien-sculpteur, les volumes géométriques simples et monumentaux de Georges Rousse sont nés de la rencontre rare entre l’atmosphère du château de Chambord, et son imaginaire d’arpenteur. Cette réflexion sur l’espace et la lumière, cette appropriation éphémère d’un site architectural d’exception acquiert ici un souffle nouveau.
Cour, gravier, escalier… Nous sommes loin des espaces désaffectés, voués à la destruction dans lesquels intervient d’ordinaire Georges Rousse depuis trente ans. Réécriture d’espace.
Nous montons les marches hautes…pour accéder à la première salle, au second étage du donjon où sont exposés les polaroïds des installations de Georges Rousse et les dessins préparatoires à leur réalisation. Premier espace libre d’accès pour les visiteurs du château. Ces dessins, faits à l’encre de chine, à l’aquarelle pour concrétiser la transparence de la lumière sont une exploration de l’espace par l’artiste sont selon son expression : « les lieux de l’utopie ». Ils sont exposés au côté des tirages photographiques des volumes en grand format tirés sur aluminium. Partie cachées de l’œuvre, ces dessins à l’encre témoignent des hésitations de Georges Rousse, processus de création palpable dans l’utilisation d’une large gamme de couleur, pour des œuvres qui se révèleront d’une monochromie différente. Son travail est ainsi fondé sur la perspective, le trompe l’œil, l’anamorphose. Passage à la troisième dimension pour ses réalisations graphiques en deux dimensions. Photographie « finale » à laquelle est aussi destinée l’installation. L’artiste réalisa trois structures additionnelles autonomes numérotées.
Les espaces du château qui accueillent ces productions éphémères se redéployent alors au contact des ces volumes additionnelles dans une dimension autre, où la Renaissance se comprend aussi dans la première acception du terme. Yannick Mercoyrol, dans le catalogue de l’exposition évoque : « la fragilité de toute « résidence », en donnant à penser que toute résidence, au fond, n’est peut-être que la forme éphémère d’un semblant de permanence. Qu’habiter n’est qu’une déformation sensible et transitoire d’être au monde ».
Rencontre de deux temporalités : la permanence et l’éphémère. La Renaissance et la contemporanéité. L’installation 1, yellow fut réalisée lors de la première résidence de l’artiste à la fin de l’hiver 2010, début 2011. Les combles de la tour Dieudonné accueillant l’installation datent du XVIème siècle. Yellow in winter. Réseau de lattes. Gold in summer. L’espace des combles, avec sa charpente courbe se déploie dans une « recomposition formelle », à laquelle Georges Rousse adhère. Il a dû acquérir une méthode de travail spécifique, et trouver une « méthode d’intervention » différente des lieux habituellement investis : « J’ai dû chercher une méthode d’intervention pour ne pas toucher les murs. Entre l’architecture et mon appareil photo, il allait donc y avoir un autre espace. » (propos recueillis par Henri-François Débailleux).
Installation 2 est en Rez-de- terrasse à côté de la tour Dieudonné…fut réalisée à une saison différente, lumière de l’été 2011. Blanche, puis rouge, puis argent Georges Rousse l’immortalisa dans cette dernière couleur. Silver. Feuilles d’aluminium. Le sol du rez-de-terrasse Dieudonné est recouvert d’une chape de béton, les murs et la cheminée sont du XVIème siècle, tandis que le plafond du XXème siècle. Illusion d’optique : Avec Installation 2, il s’agit en fait de structures, des plaques, tenues par des étais de bois. Une fantasmagorie architecturale que l’artiste associe aux voiles d’un bateau et non une structure autoporteuse.
Installation 3 est le dernier volume installé dans le comble de la tour Henri V, qui a été ravagée par un incendie en 1945 et qui a été reconstruite à l’identique.. Lumière de cet hiver. Black. Puis white. Eclipse. Installation 3 est striée de traits à la craie blanche. Le volume s’enroule, comme l’escalier de la tour, conique ?
Trois figures de cercle
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François 1er a construit son château comme une fantasmagorie architecturale, Georges Rousse, inscrit dans le temps de son époque, a construit son œuvre comme une illusion d’optique qui prolonge l’histoire racontée par les pierres de ce palais aux mille et une nuits. Georges Rousse épouse la pierre ancestrale, la sublime peut être, mais jamais ne la trahit ! Yellow . Installation 1 est exposée dans une salle du XVIème siècle contemporaine donc de François 1er. La charpente et les murs sont d’origine. Recueillement. On pénètrerait presque religieusement dans cette alcôve « dorée », et le silence s’impose à la lumière du jour. Dans la pénombre des volets clos, elle est Chapelle.
Histoire d’une contemplation, utopie matérialisée, atmosphère d’une trinité, Installation 1, 2 et 3 transcendent la renaissance d’une résidence transfigurée.