Barthélémy Toguo : « L’identité enfermée se meurt »

Gloria Mundi est le fruit d’une dizaine d’entretiens réalisés entre septembre 2012 et janvier 2016 avec l’artiste Barthélémy Toguo franco-camerounai-bamikélé par Thierry Clermont écrivain et critique au Figaro Littéraire à l’atelier de l’artiste situé dans l’Est Parisien. Bâtissant une œuvre pluriculturelle et engagée, Barthélémy Toguo, représenté maintenant par la galerie Lelong nous convie à une « conversation », un voyage : « dans les enclaves de tragédies qui trouent la carte du monde ». Gloria Mundi est le récit de l’épopée d’un artiste engagé dans son époque.

Le propos sincère, Barthélémy Toguo retrace avec un grand sens du récit et de l’anecdote son itinéraire d’un enfant bamikélé, élevé dans une famille catholique pratiquante au Cameroun. L’ipséité n’est pas le propos de l’ouvrage. Il est plutôt animé d’une recherche du temps retrouvé, sans qu’à aucun moment, ne s’altère la force de l’engagement de l’artiste dans notre époque. Parfois savoureuses, aussi douloureuses, les anecdotes qui ponctuent les entretiens nous invitent à comprendre la cartographie personnelle de l’artiste à l’expression protéiforme : aquarelle, céramique, performance, vidéo, photo, sculpture et aux voyages multiples.

Les entretiens insérés dans une trame narrative agencée en chapitres aux titres évocateurs des pays traversés. Epopée homérique moderne dans notre temps si fragilisé. L’exil, le déséquilibre Nord Sud, l’Afrique, la France, l’Allemagne et tous ces autres pays, certaines terres de souffrance sont évoquées sans qu’aucune condescendance n’altère la puissance de l’engagement de ce jeune artiste d’alors devenu l’un des plus grand des artistes franco-camerounais-descendant des bamikélés de notre temps.

Barthélémy Toguo nous entraîne dans le tourbillon de sa verve. Son regard juste se pose sur notre monde contemporain et nous interpelle dans nos moindres retranchements. Les entretiens retracent l’intégralité de son parcours artistique avec la simplicité des grands. Portrait de notre époque, Gloria Mundi peut se lire comme un roman dont l’histoire ne serait pas une fiction, mais la réalité tranchante d’un monde qui se vide de son sang. Et si on parlait de vie, de poésie, de musique, de lectures et d’art aussi ?

Laissons-nous porter par les mots et les confidences de ce virtuose artistique qu’est Barthélémy Toguo. De cette pluralité de culture il tissera l’avenir le dira une gigantesque toile. Herméneutique d’une épopée dans laquelle le monde Africain et le monde Occidentale se mêlent sans exotisme. Au cœur, la réalisation d’un rêve : Bandjoun Station…

Florilège :
« j’ai créé ainsi une similitude entre mon corps et le monde végétal sous forme de communion ou si vous voulez de mariage, dans une sorte de cérémonie laïque »

« où dois-je donc m’arrêter dans mon errance et mon nomadisme ? Les Bamikélés ont une forte culture du retour au pays natal (…) Même mort, le corps du Bamikélé doit revenir sur la terre de ses ancêtres, précisément là où l’ombilic des ancêtres a été coupé. »