On aperçoit depuis la rue une silhouette masculine tête rejetée vers l’arrière, main portée au sexe. « Indésirable » est la nouvelle exposition du sculpteur Gérald Colomb, dont le commissariat est assuré par Thomas Perrin, membre de Feu !!!, collectif d’artistes et nouveau lieu d’exposition à Besançon.
Florence Andoka Comment et surtout de quoi est né Feu !!! ?
Thomas Perrin Comme souvent, FEU !!! est né d’une idée qui d’abord parait insurmontable, celle de se réunir entre quelques amis pour ouvrir un lieu. Insurmontable parce qu’il est assez facile d’imaginer la somme des obstacles à une telle entreprise (surtout venant de jeunes artistes sans argent), et plus complexe de trouver des solutions à chacun de ces obstacles. Et puis, assez vite, et avec le concours de chacun, les choses se font, et finalement beaucoup plus rapidement que prévu. En quelques semaines, les questions administratives ont été réglées et nous avions les clés d’un local entre nos mains. Mais, en premier lieu, il faudrait relever un désir que nous avions tous, celui d’avoir un espace dans lequel se retrouver afin d’y produire des choses : des expositions, de l’édition, de la vidéo, etc.
FA Feu !!! est un collectif d’artistes mais aussi un espace d’exposition. Comment se joue les rapports entre la pratique de chacun et la création d’évènements et d’exposition ?
TP FEU !!! s’est d’abord construit comme un espace d’exposition, ou plus largement un lieu de partage et de production, pour ensuite se considérer comme un collectif artistique. L’idée de produire et créer des choses ensembles est venue dans un second temps, mais c’est finalement la suite presque logique pour quatre artistes qui se retrouvent ensemble entre quatre murs.
FA Thomas tu es artiste, comment cela influence ta vision du commissariat d’exposition et aussi de ce que peut être un lieu ?
TP Notre formation (en école d’art) nous incite à développer un regard, une pratique scénographique autour de notre travail, mais aussi à travailler au montage, à la conception, ou au commissariat d’expositions. Au cours de nos études, on croise, fréquente, et travaille au sein d’une pluralité d’expositions, certaines institutionnelles, certaines beaucoup plus expérimentales. Cela permet sans doute d’avoir une définition très large de ce que peut être une exposition. Il faut ensuite ajouter à cela les avantages de notre indépendance actuelle, qui nous permet de faire exactement ce qu’on veut. Nous n’avons pas les mêmes contraintes dans la sélection d’artistes ou de thématiques, de sujets de recherche, qu’un musée ou plus largement que n’importe quelle institution culturelle. Je préfère, malgré nos maigres ressources, garder cette potentielle liberté d’inventer des formes nouvelles.
FA La première exposition de Feu !!! est consacrée à Gérald Colomb. Son travail est-il représentatif d’une ligne que tu aimerais défendre ? Ton texte au sujet du travail de l’artiste évoque notamment la générosité, l’indépendance et l’engagement de l’artiste.
TP Gérald, en plus d’être selon moi un très grand artiste (aussi bien techniquement que conceptuellement), est un ami. Je crois que c’est une motivation et une justification parfaite pour l’exposer. Mais surtout, comme je le dis dans le texte introductif de l’exposition, Gérald porte en lui certaines valeurs de partage, de générosité, essentielles pour un lieu où sont montrées des œuvres, des livres, des films. Le musée tarde à se transformer, comme on nous l’avait promis, en ce « troisième lieu » dans lequel l’humain pourra reconstruire du collectif, se reconstruire en collectif. Je pense que c’est un objectif qui a été mieux réussi par des artistes comme Gérald, qui ont fait de leurs ateliers de vrais espaces de rencontres, d’échanges et de réflexions et j’espère que ce pourra être bientôt le cas aussi chez FEU !!!
FA Feu !!! est au centre-ville de Besançon, dans une galerie commerciale délaissée, appelée le Centre Saint-Pierre. Pourquoi avoir retenu cet endroit ?
TP La réponse est plurielle : déjà, il y a une réponse pragmatique qui est celle du loyer. Les friches commerciales ont souvent l’avantage d’être abordables. Il y aussi la question de la localisation, plutôt idéale : le centre-ville de Besançon n’est pas le centre culturel, les galeries et espaces d’expositions sont, à l’exception du musée des Beaux-Arts, plutôt situés dans les quartiers jouxtant le centre comme le quartier Battant, ou Rivotte. Et puis, le centre commercial St Pierre porte la trace d’une certaine esthétique des années 70, qui résonnait bien avec notre ligne directrice : ces grandes vitrines extérieures et intérieures donnent l’impression d’un lieu de passage, même s’il faut reconnaitre que maintenant le centre n’est plus guère fréquenté. Sans doute avons-nous choisi cet espace aussi pour ce qu’il a été, ou ce qu’il pourrait être, plutôt que pour ce qu’il est aujourd’hui.
FA Quelle est l’avenir de Feu !!!?
TP Plusieurs expositions sont en préparation, mais FEU !!! va débuter aussi , je l’espère cet été, son travail d’édition. Il faut aussi ajouter à ça des interviews vidéos d’artistes ou d’auteur.e.s, qui apparaîtront de manière plus ponctuelles. Et enfin, des séances de projections en plein air de films d’artistes qui devraient se poursuivre, après un premier évènement qui a eu lieu le 21 juin. Et puis, nous venons de prolonger l’exposition de Gérald du 14 au 27 juillet, ce qui va nous occuper encore quelques semaines.